Les recherches

MALMAISON – de JOSEPHINE à ALJABERT

 

1907-1917 : AJALBERT CONSERVATEUR
MALMAISON RENAIT

Comme nous l’avons écrit dans le 1er article, le 1er mai 1907 : Jean Ajalbert prend le poste de conservateur du « palais impérial » de Malmaison où, dit-il, « il n’y a rien à conserver ».

Après l’achat de Malmaison par D. Iffla-Osiris en 1896 et le bref passage du premier conservateur, Pallu de la Barrière, la nomination d’Ajalbert est la deuxième chance de résurrection du château. Il est en poste grâce à l’amitié d’Aristide Briand alors ministre de l’Education. Il y fera merveille.

Qui est donc Jean Ajalbert ?

C’est un auvergnat de 44 ans. Son père Jean Ajalbert est né en 1834 à Laverniette de Brezons (Cantal). Il vient à Paris et y épouse en 1859 Marie Teyssedre, auvergnate comme lui. Jean Ajalbert, le fils, naît en 1863 dans la commune de Clichy. Ses parents sont dits « nourrisseurs », ils vendent le lait des vaches de leur étable. Ce sont des travailleurs acharnés. Des six enfants du couple, seuls Jean et son frère Pierre survivent.

Après des études élémentaires dans le Cantal, pour cause de guerre (1870), Jean Ajalbert fréquente le lycée Fontanes (actuel Condorcet). Plus tard, ce sera l’école de Droit. À ce moment, il y rencontre Alexandre Millerand, Raymond Poincarré, Georges Clémenceau. De 1884 à 1896, il est avocat à la Cour d’Appel de Paris. Il fréquente les frères Goncourt qui deviennent ses amis.

Il assure la défense des anarchistes, participe à l’affaire Dreyfus dont il est partisan.

En 1880, il est aussi journaliste et côtoie Henri de Rochefort, Paul Doumer…À 27 ans, il devient célèbre par le scandale suscité par la pièce d’Edmond de Goncourt qu’il a adaptée pour le théâtre Antoine « La Fille Elisa ». C’est le procès d’une pensionnaire de maison close ayant tué un militaire. La pièce fit scandale chez les bien-pensants et la censure arrêta les représentations. Le socialiste A. Millerand soutint la pièce à l’Assemblée. Le Figaro écrit : « La Chambre des Députés s’est amusée pendant une heure de ce débat dépourvu de sanction. Elle n’a pas souvent l’occasion de causer de littérature ».

En 1895, par son mariage avec Dora Dorian, Ajalbert pénètre dans un autre milieu social. Son beau-père est un grand bourgeois, maître de forge et député de la Loire. Sa belle-mère est d’origine russe. De ce mariage naît un fils Charles en 1896. En 1899, un divorce dissout cette union. Ajalbert restera seul avec son fils à élever. Son beau-père l’avait présenté au directeur de la « Lanterne ». Il y travaille comme journaliste. Il y rencontre Millerand, Viviani, Jaurès et Aristide Briand avec qui il se lie d’amitié et qui deviendra son protecteur. De 1906 à 1932, Aristide Briand sera 11 fois Président du Conseil et 23 fois Ministre.

Ajalbert, engagé avec passion dans l’affaire Dreyfus, assiste au procès de Rennes. Il critique les défenseurs qu’il juge trop ternes. Il est écœuré par la tournure des débats, la position de l’armée qui « couvre » les coupables et ne veut pas reconnaître ses erreurs. Il a besoin de changer d’horizon. Il fait plusieurs voyages en Indochine. Il écrit des livres et des articles sur ce pays : « L’Indochine en péril », « Les destinées de l’Indochine »…

En 1903, Jean Ajalbert est fait Chevalier de la Légion d’honneur comme publiciste et homme de lettres. En 1910, pendant son séjour à Malmaison, il sera nommé Officier de la Légion d’honneur en reconnaissance de son travail de conservateur au musée napoléonien.

Voilà l’homme qui va prendre en main les destinées de Malmaison. Il va lutter pendant dix ans pour redonner vie à la maison de Napoléon et Joséphine.

Ajalbert arrive à Malmaison

Dans un livre intitulé « Dix années à Malmaison », Ajalbert raconte sa vie de conservateur.

Son récit aurait pu être sérieux, technique mais Ajalbert a l’art de transformer des situations ordinaires ou irritantes en histoires drôles et parfois burlesques. Il trace avec passion ou énervement le portrait des gens qu’il rencontre. Il a de brefs moments de découragement, mais il rebondit et repart à l’attaque ! Il est courageux et il le fallait…on s’en aperçoit en lisant quelques passages écrits lors de son entrée en poste : « Dès mon arrivée, en 1907, je dus constater le pénible état des lieux. Le public s’esclaffait à l’aspect minable du jardin et du parc. De quatre hectares, deux étaient interdits aux promeneurs. Ils étaient affectés, en partie aux potagers, poulaillers et cabanes à lapins, des hommes de service et du surveillant militaire –zone sordide et puante derrière un treillage dépenaillé, qui la sépare du terrain vague où l’on avait creusé aux fins d’y bâtir le musée Osiris. En attendant, les habitués du dimanche y vidaient des litres en consommant la charcuterie dominicale. Pour le reste, c’était une exploitation maraîchère à l’usage exclusif du jardinier chef, qui n’était, naturellement, pas un jardinier. ».

Ses pas résonnent dans les pièces quasiment vides : « la harpe dans le salon de musique, le bureau dans la bibliothèque, un secrétaire dans la salle du Conseil ». La salle de billard vide- était ornée depuis 1906 par des portraits de cheiks peints par Rigo, don de l’Impératrice Eugénie.

La presse de l’époque éclate en cent propos contraires : Ajalbert conservateur !… pour certains c’est bien, pour d’autres, ce n’est pas un historien, c’est un homme de lettres, est-il bien l’homme de la situation ? Et la rénovation de Malmaison…une bonne chose ? Que de dépenses pour une ruine ! Pour d’autres, Malmaison en ruine, c’était romantique !

Il n’est pas un historien mais prenant sa mission à cœur, il apprend, il lit tout ce qui a été écrit sur Napoléon et Joséphine (livres, mémoires des proches, œuvres de F. Masson…).

Il va même essayer de revivre in situ des scènes qu’il a lues et qui se passaient à Malmaison. Un soir, Ajalbert lit dans la bibliothèque du château, la lampe s’éteint, l’imagination travaille et Ajalbert sent Sa Présence…

Ajalbert a des projets pour Malmaison : puisque l’Etat français a accepté le don d’Osiris, il doit l’aider à faire revivre le château. Il fallait rendre à Malmaison ce qui lui appartenait ou du moins ce qui restait après les grandes ventes, ou encore apporter des objets d’autres châteaux. Mais très vite, il perd ses illusions. On peut lire ses projets, ses espoirs, ses demandes (tout à fait raisonnables) dans les rapports de quinzaine qu’il rédige pour son ministère. Il a du mal à travailler avec « l’appareil » des fonctionnaires dont il dépend. Il rencontre des obstacles de toutes natures : administratifs, mauvais vouloirs, petitesses voulues ou non, manque de pragmatisme et même de bon sens. Il écrit, s’énerve, les affronte, se calme puis repart à l’attaque.

La « bête noire » d’Ajalbert c’est M. Leclerc, architecte des Monuments Historiques. Tout les oppose : Leclerc n’aime pas la campagne…venir à Malmaison est une corvée. De mauvaise humeur dès la grille du château où il vient les jours de fermeture au public, il déclare qu’il n’a pas d’argent pour Malmaison. Selon lui, c’est inutile, personne ne vient au château… évidence !

Malgré ce manque annoncé d’argent, Leclerc veut éclairer Malmaison et, pour cela, planter des réverbères le long de l’allée centrale et sur la façade du château. Ajalbert se récrie : « inutile votre projet, le château ferme avant la nuit, les becs de gaz dénaturent le style et puis, qui s’occupera des lampadaires et le budget ? ». L’affaire en reste là mais Leclerc a une autre idée « lumineuse » : mettre des barreaux à certaines fenêtres du château pour les protéger des cambrioleurs ; oui, mais comment sortira-t-on les meubles en cas d’incendie ? Projet abandonné. Autre aventure avec le carrosse de Joséphine « L’Opale ». Il arrive de Versailles en 1908. Où l’exposer ? Leclerc propose un salon au rez-de-chaussée du château !! Comment ? En abattant un pan de mur que l’on reconstruirait. Ainsi, l’Opale serait prisonnière du château… et le feu ? Projet abandonné. Ajalbert propose les anciennes écuries d’Hagerman qu’il appelle remise. Ainsi fut fait mais une fois le carrosse entré, le menuisier vint remettre une imposte au-dessus de la porte, et le carrosse fut prisonnier en cas d’incendie !

Mais l’histoire atteint son apogée avec le Pavillon d’Osiris.

Dans son testament, D. Iffla avait donné des objets divers (dessins de Boucher, Guardi, Tiepolo, Jules Romain, Callot, peintures modernes de Berchère, E. Bisson, sculptures de Carpeaux, Carrier-Belleuse et Clesinger, et des antiques dont 30 statuettes égyptiennes d’Osiris), et d’autres objets de peu de valeur. Pour exposer ses collections, M. Osiris avait laissé de l’argent pour construire un pavillon à son nom. Là, M. Leclerc voit grand, très grand même, puisqu’il projette un bâtiment plus haut que le château. Ajalbert et l’Institut Pasteur responsable des dons Osiris s’opposent à ce projet. De nos jours, le Pavillon est un bâtiment discret à droite de la grille d’entrée.

Mais les démêlés avec Leclerc ne s’arrêtent pas là ! Il trouve les parterres de fleurs inutiles, pour lui, les pelouses suffisent. Ajalbert rentre en contact avec des mécènes qui ne demandent rien à l’Etat et vont créer les jardins. Malgré ces dispositions, Leclerc intervient, demande un devis du projet ainsi que le dépôt en espèces du coût dudit devis au cas où les donateurs abandonneraient. Ajalbert qui connaît bien les mécènes a honte devant ces demandes. Il fait appel au ministère qui lui donne raison. Leclerc s’oppose aussi à M. Touret, paysagiste, qui remodèle Malmaison. Leclerc n’eut pas gain de cause. Une nouvelle « bataille » a lieu pour l’achat et la pose de bancs pour épargner les pelouses. Leclerc les juge inutiles. Enfin, ultime assaut, Leclerc, opposé au projet de jardin (aile gauche du château), fait un rapport partial et erroné sur les aménagements extérieurs (allées, pelouses, fleurs, rivière anglaise…) que M. Ajalbert a mis tant de soins et de rigueur à réaliser non sans l’aval écrit des ministères concernés.

1. Girault, bien que membre de l’Institut et Inspecteur général des Bâtiments Civils, n’a pas le moindre doute sur les dires de l’architecte et envoie une longue lettre à Ajalbert qui ne peut contenir son indignation « Entre ce personnage considérable et moi, on n’ose trancher. Résultat : rien n’est fait, les donateurs s’éclipsent, et la Malmaison stagne entre sa roseraie ébauchée et les cabanes à lapins des gardiens : manque d’autorité des ministres, pas d’affaires ! »Cette lettre révèle que M. Girault ne connaît ni l’histoire de Malmaison, ni son état en 1896, ni les efforts rigoureux réalisés par Ajalbert.

« Pour la première, j’ai connu, ce qui est la loi, les épines avec les roses.

« Pour l’autre, je n’ai connu que les épines, une forêt d’épines, sans une rose… »

Il a plus de chance avec les particuliers qu’il sollicite pour faire revivre Malmaison : historiens, conservateurs, gens du garde-meuble, amis et aussi l’Impératrice Eugénie gardienne du temple napoléonien. Ce n’est pas seulement par ses dons généreux que l’Impératrice Eugénie a marqué son attachement fidèle au musée dont elle avait eu la première l’idée et qu’elle considérait à juste titre comme le musée de l’époque napoléonienne. Elle sentait si profondément tout ce qui, par l’Impératrice Joséphine, la Reine Hortense et leur descendance, unissait les deux empires.

Avec eux, il est plus à l’aise : de l’idée à la réalisation, cela va vite, il est en phase avec eux et rencontre peu d’obstacles.

Ajalbert va se tourner vers les personnes qu’il connaît ou a connues dans sa jeunesse, c’est ainsi qu’il rencontre Frédéric Masson. C’est un personnage très important, académicien, auteur des « Etudes napoléoniennes ». Avec une certaine appréhension, Ajalbert rencontre F. Masson ; celui-ci, d’abord réticent quant à Malmaison donné par Osiris, se ravise et promet d’y venir. Ce sera une amitié féconde qui unira les deux hommes pendant les dix ans qu’Ajalbert sera à Malmaison. F. Masson le guidera, l’aidera en lui amenant des personnes susceptibles d’enrichir le musée, de le faire connaître, il donnera à Malmaison les meubles du salon de l’île d’Elbe, légués par la baronne Jérôme David.

Ajalbert écrit : « avec l’historien de Napoléon, je tenais le fil conducteur et c’était le début d’une amitié qui a été mon excitant, mon réconfort et ma joie à travers la bêtise et l’incompréhension dont, à tant de reprises, je devais être harcelé ».

Parmi les personnes privées qui lui apportent amitié et aide, il faut citer ses voisins, Monsieur et Madame Tuck. Ayant fait éditer en français et en anglais une brochure sur Malmaison, Ajalbert leur en fait porter une. Le personnel du château lui avait parlé de ces voisins américains qui n’étaient jamais venus à Malmaison. M. et Mme Tuck, citoyens américains, habitaient Vermont, domaine issu d’une parcelle de Bois Préau. Aisés et mécènes de la ville, ils ont à leur actif la création de l’hôpital de Rueil (1903), de l’école ménagère et plus tard ce sera le don de Bois Préau et d’autres terrains à la ville et au département.

1. Tuck vint voir Ajalbert et une amitié durable se noua entre les deux hommes. M. et Mme Tuck aidèrent Ajalbert en achetant personnellement des objets qu’ils offraient ensuite à Malmaison : buste de Joséphine par Bosio, le lit de camp de Napoléon à Sainte Hélène[1] des bonnets et des chaussures de Joséphine et, en 1924, du temps du conservateur Bourguignon, la célèbre « table dite des maréchaux » toujours présente au musée.
2. Tuck était prêt à aider le conservateur pour acheter la parcelle du « Temple de l’Amour », laquelle était devenue la propriété d’Armand Silvestre, léguée à une amie qui en demandait un prix très élevé. Après beaucoup de discussions stériles, la vieille dame garda sa propriété et le Temple de l’Amour est toujours dans une propriété privée.

Ajalbert allait souvent à Vermont et il admirait la maison, ses fleurs, ses animaux et l’harmonie qui y régnait.

Du côté de la famille Bonaparte, seule, l’ex-impératrice Eugénie, veuve depuis 1873 de Napoléon III et qui partage son existence entre Farnborough (Angleterre) et Paris, s’intéresse à Malmaison. C’est elle qui, en 1867, avait mis sur pied la dernière exposition à Malmaison en essayant autant que possible de retrouver le décor et l’ambiance du Premier Empire. Elle avait hérité de son mari des souvenirs napoléoniens dont la chambre de la reine Hortense ; elle en avait fait don au jeune musée.

Par l’intermédiaire du comte Primoli, seigneur romain et grand voyageur qu’Ajalbert avait rencontré autrefois, l’impératrice Eugénie vint incognito à Malmaison pour voir si ses dons étaient bien exposés avec son nom. Satisfaite, elle promet d’autres objets et invite Ajalbert à venir à l’hôtel Continental où elle séjourne.

Ajalbert raconte cette visite avec son talent habituel rencontrer l’Impératrice âgée de 90 ans, dernière personne ayant vécu les joies et les malheurs du Second Empire, était un honneur doublé de crainte et d’espoir : « Quelques jours après, j’étais reçu par l’Impératrice à l’hôtel Continental. En face, les Tuileries. Toute l’histoire tragique me hantait, de l’Empire à la

Commune. Nous attendions, avec Primoli, devant une petite pièce servant de vestiaire, en face du salon. De l’extrémité des couloirs, menue et vive, en voiles noirs, s’appuyant sur une canne, elle surgit comme un deuil fantastique. Déjà, l’apparition était sur nous. De ce visage mince et blanc comme une hostie, aux yeux aigus dans la pâle vieillesse, je ne m’attendais pas à entendre sortir une voix.

Avec une mémoire prodigieuse, l’Impératrice se souvenait des plus minimes objets remis au château en 1867, sur lesquels j’étais bien incapable de la renseigner. Je subissais un interrogatoire impérieux, où j’avais peine à placer les réponses, tant les questions se suivaient rapides. Une vie intense brillait dans les regards, sonnait dans la voix, animait le visage et les mains qui émergeaient seuls de cet enveloppement noir où disparaissait la frêle silhouette. ».

Suivant les conseils de F. Masson, Ajalbert demande à l’Impératrice des vues anciennes et des aquarelles des intérieurs de Malmaison. Ajalbert reçut, quelque temps après « L’album de voyage de l’Impératrice Joséphine à Aix », 33 dessins à la sépia et « Projet de salon de musique » par Garneray en 1812.

D’autres particuliers feront des dons ; dans un autre livre de J. Ajalbert, «Le château de la Malmaison» nous trouvons des noms : Gonse, Brette, Marmotttan, Laguerre, de la Meillaye, Andrieux (livres)…

Dans un article, en préface de l’annuaire de Rueil de 1911, Ajalbert cite les nombreux dons de particuliers ou des musées pour le château.

D’autres personnes comme Graveriaux, Touret, de Vilmorin, Follot lui permettent de recréer des massifs floraux, de faire ou de réaliser des expositions de tissus, de papiers peints qui attirent une foule considérable à Malmaison et lui redonnent vie.

Nous reviendrons plus en détail sur ces créations ou ces expositions qui vont faire connaître ou reconnaître les beaux tissus « empire » aux teintes éclatantes.

Mais, par bonheur, Ajalbert va rencontrer un fonctionnaire avec qui il va travailler avec succès : M. Dumonthier. Celui-ci vient d’être nommé administrateur du mobilier national, à la place du terrible M. Loquet. « Je ne ferai pas le jeu de mots » dit Ajalbert.

Avec Dumonthier, Ajalbert découvre le fonctionnement du Garde Meuble et ses fameuses affectations : garnir ambassades, ministères, préfectures, en y déposant des meubles, des objets d’art pour meubler, garnir, décorer. Ainsi Ajalbert mettra beaucoup d’obstination pour obtenir le retour de certains objets ayant appartenu à Malmaison. « Il ne faut pas toucher aux ministères. Il faut que la République soit dans ses meubles » répondait Dumonthier aux demandes d’Ajalbert. Celui-ci réussit à obtenir le retour d’une table à écrire et d’une toilette coiffeuse déposées à l’ambassade de France à Saint Petersbourg ; dans les greniers de Sèvres, il découvre des peintures sur bois des chevaux préférés de Napolélon. Il les voit déjà accrochées aux murs nus des couloirs du château, mais il se heurte au refus d’un autre fonctionnaire ! Les chevaux resteront dans les greniers!

Toujours à l’affût des objets qui pourraient enrichir Malmaison, Ajalbert renoue, en 1917, avec le général Beylié rencontré en 1903 à Angkor. Cet homme lui ouvre les portes du musée de l’Armée. Visite avec le général Niox, directeur du musée de l’Armée, un peu sourd mais surtout diplomatiquement’. Celui-ci ne semble pas prêteur’ ; cependant, Ajalbert n’y tient plus en voyant une boucle de cheveux de Joséphine au milieu d’engins de guerre. Il veut, avec raison, cette boucle et il l’aura pour Malmaison. Elle doit toujours y être.

Puis, Ajalbert se tourne vers le Ministère de la Guerre et se heurte à Picquart et Picard, l’un général et l’autre chef de la section historique. À ce moment, Ajalbert rencontre le nom de Bagetti[2] et ses œuvres : «les campagnes de Napoléon.» C’est une découverte pour lui.

Ajalbert aurait aimé ces tableaux vus dans le ministère : refus. Et surprise, on lui propose les dessins préparatoires qui eux sont des originaux. « Au lieu des estampes connues, la Malmaison s’enrichissait de rares documents tous exécutés sur les lieux, au long de la campagne d’Italie ».

Les expositions à Malmaison

L’Exposition des tissus Empire ; Ajalbert cherche à attirer du monde à Malmaison, mais pour cela il faut trouver une raison, quelque chose de beau, de peu connue du grand public et d’époque impériale. Dumonthier propose à Ajalbert de sortir du Garde Meuble « plus de 400 fragments authentiques qui évoquent l’ensemble de la décoration d’ameublement du Premier Empire avec ces merveilleux échantillons des commandes de Napoléon aux fabriques lyonnaises » pour les impératrices, lui-même et les divers châteaux impériaux.

Cette exposition eut lieu dans les grandes salles du 1er étage, aménagées lors de la restauration de M. Osiris. Elle eut un succès inattendu. Ajalbert écrit « ce fut le réveil de la vieille demeure ». Cette manifestation eut des répercussions diverses et variées : connaissances des tissus précieux de l’Empire, de leurs couleurs éclatantes et bien conservées, de leurs matières, de leurs motifs floraux ou antiques. Certains visiteurs viennent accompagnés de leur tapissier afin de faire connaître et imiter ces merveilleux tissus.

Napoléon avait beaucoup fait travailler les soyeux de Lyon. Il avait donné des ordres afin que son entourage, ses maréchaux, ses ministres fassent appel à l’industrie lyonnaise.

La presse est unanime dans ses louanges pour l’initiative d’Ajalbert et l’ensemble des tissus exposés. Le public est en admiration devant la beauté, la fraîcheur, la recherche artistiques de ces tissus centenaires ; il redécouvre la créativité et le métier des artisans lyonnais.

Cette exposition des tissus Empire a une autre conséquence heureuse : voyant revivre Malmaison, diverses « portes » s’ouvrent et des objets, des meubles, rentrent à Malmaison. Du Dépôt des marbres arrivent les bustes de Napoléon par Canova et Bertolini ; du Mobilier national, un fauteuil et les sièges pour la bibliothèque ; l’Elysée donne des vases étrusques qui côtoient la pendule « à la carte de France » ; M. Dumonthier retrouve les bordures et galons des rideaux et tentures du salon de musique, de jolies chaises à bouquets de Beauvais, les fauteuils d’un appartement de Madame avec le paravent et les écrans ; du Mobilier national arrive encore un encrier de Sèvres « L’amour jouant avec un aigle », tandis que Versailles donne un secrétaire, une commode signée Mansion et un bureau.

L’exposition des papiers peints : Encouragé par l’immense succès de cette exposition, Ajalbert cherche et trouve un nouveau sujet d’exposition : art et histoire du papier peint. Il rencontre M. Follot, collectionneur, mais la réalisation du projet ne se fera que 5 ans plus tard grâce à l’intervention d’un ami commun. 15 jours plus tard, Ajalbert peut inaugurer le « Salon des Papiers Peints de l’Epoque Napoléonienne » grâce à des dons et des prêts de généreux collectionneurs.

1. Follot fait des conférences sur l’histoire du papier peint, les industriels et les artistes qui ont pris part à la décoration. On peut voir plusieurs sortes de tableaux « Campagne d’Italie, la Bataille du pont d’Arcole, les Français à Naples… ». Il y a des fautes sur les habits, les paysages, les monuments, mais ces tableaux enflamment l’imagination et perpétuent la légende de Napoléon.

Cette exposition attira beaucoup de monde dont le prince Louis Bonaparte, petit-fils de Jérome. M. Follot a laissé certains des papiers peints au château de Malmaison.

Les expositions florales : Avec ses expositions réussies, la Malmaison renaissait. Alors, pourquoi ne pas faire une exposition florale ? Un jardin fleuri comme du temps de Joséphine ? Dans son livre « Les roses de l’Impératrice » F. Joyaux explique que la roseraie de Joséphine consistait en rosiers cultivés dans des pots, à l’abri et que l’on ne sortait qu’au moment de la floraison. Selon lui, Joséphine avait environ 140 variétés de roses.

Pour mener à bien son idée, Ajalbert commence à faire du « ménage » dans les espaces susceptibles d’accueillir des fleurs : de vieilles habitudes, des gens du temps d’Osiris avaient envahi les espaces verts et les avaient transformés en « taudis » à l’air libre. Et après ? L’architecte, toujours le même, ne veut rien entendre : pourquoi des fleurs ? Pas de crédit !

Alors, Ajalbert contacte M. Viger qui lui recommande MM. Gravereaux et Vilmorin. « Nous fûmes vite en collaboration étroite » écrit Ajalbert. Le sol déblayé, il fallait exécuter des mouvements de terrain, sans budget. M. Tuck intervient et trouve des ouvriers (des chômeurs). MM. Gravereaux et Vilmorin offrent des plants de rosiers, des bégonias, des géraniums. Les travaux avancent lentement, les ouvriers amenés par Mr Tuck ne sont guère actifs.

1. Gravereaux fait appel à M. Touret paysagiste. Celui-ci connaît bien les espaces verts de Malmaison puisque D. Iffla l’avait contacté puis abandonné au moment de la restauration.
2. Masson, sévère mais juste, parle ainsi du travail de Touret : « Un architecte paysagiste se trouva alors qui s’employa avec un absolu désintéressement à transformer un hectare de dépotoir en un paysage de roses. M. Touret a raccordé ainsi l’œuvre de Berthauld ».

Pendant ce temps, Ajalbert compulse le splendide album « Les roses de Redouté » prêté par Mme de Vilmorin. Et les plantations continuent, éclairant la Malmaison de belles couleurs oubliées depuis longtemps.

 

La chapelle

Un jour de 1911, M. Dujardin-Beaumetz et Mme de Vilmorin visitent les nouveaux jardins ; le secrétaire d’état félicite cette dernière personne mais se récrie, une fois de plus, sur la présence fâcheuse, inopportune autant du point de vue historique qu’esthétique de la chapelle de la Reine Marie-Christine. Le 3 juillet 1911, le ministère des Beaux Arts en décide la démolition. Celle-ci suscite émotion d’abord parce que certains croient que c’est celle de Joséphine, d’autres croient à un acte anticlérical. « Quelle erreur, quand c’est justement pour des raisons toutes étrangères au culte et à la politique et seulement par scrupule d’esthétique et respect de souvenirs nationaux que l’on a décidé de rendre à César la parcelle du jardin où, par les grands jours de Malmaison, se dressait le théâtre et s’ouvrait le salon de musique de Joséphine et Bonaparte » (Ajalbert). Il précise aussi que le cardinal Mathieu, ami du pape Léon XIII lui avait donné son approbation.

 

Les fêtes du centenaire de Borodino – 1912

Le 7 décembre 1909, Ajalbert reçoit la lettre suivante : « J’ai vivement regretté votre absence de la Malmaison lorsque je m’y suis rendu en compagnie de mon ami le comte Serge Cheremeleff. Ce dernier, qui occupe une très haute situation en Russie, a visité avec le plus vif intérêt le musée que vous avez admirablement organisé. Le comité moscovite pour la création du musée historique de 1812 m’a élu correspondant pour la France. Les souvenirs de Napoléon Ier et de sa famille ont une place toute indiquée dans ce futur musée dont l’empereur de Russie a été l’initiateur. » (signé Baye).

La Sabretache et le Souvenir Français participent activement à ces fêtes. Ajalbert est invité à ces festivités en tant que conservateur d’un musée napoléonien. Dans ce voyage dans l’inconnu –il n’a jamais visité la Russie- Ajalbert profite de son statut de conservateur mais aussi de recommandations et de rencontres très appréciées dans ce vaste pays : celle de M. Cassot, ministre de l’Education nationale, ami de collège, qui lui remet un texte et le baron de Baye. Il y retrouve aussi le Grand-duc Nicolas Mikhaïlovitch rencontré en France.

Avant de visiter des musées ou participer aux fêtes, il passe une semaine à Saint Petersbourg.. Les portraits de Napoléon et Joséphine sont dans les vitrines Il va retrouver à Moscou M. de Baye dans le musée historique d’Alexandre Ier et de Napoléon où arrivent les prêts des collectionneurs.

A côté de ce musée, un comité local de monument du Souvenir Français aux morts de Borodino prépare lui aussi un témoignage de la France.

Les 7 et 8 septembre 1912 sont très chargés ; Ajalbert suit le cortège officiel. Là, il rencontre le tsar Nicolas II. « J’ai vu le tsar cinq ou six fois à le frôler, et je l’aurais vu cent fois que je ne saurais en dire plus, toujours le même, doucement impassible, avec des yeux qui ne bougent pas, dans une physionomie invariable. Ce n’est pas l’empereur, c’est l’Empire ».

Puis le voici sur le champ de bataille.

« C’est aux mamelons mêmes où se produisit le choc le plus retentissant de l’invasion et de la défense que le Souvenir Français et la Sabretache avaient résolu d’élever une pyramide de granit pour rendre tangible à la postérité la reconnaissance de la patrie à ses enfants tombés par milliers autour du drapeau tricolore. »

Ce même jour, le Grand-duc Nicolas, oncle du tsar, confie à Ajalbert qu’il a fait un testament en faveur de Malmaison. Mais il y aura la révolution de 1917, le Grand-duc sera fusillé (1919) et ses biens confisqués.

De son vivant, il avait envoyé à Malmaison une sorte de fontaine en marbre avec « trois grâces » et marquée d’un J. Joséphine ou autre personne ? Cette œuvre qui a d’abord été exposée dans le hall est toujours dans les réserves du château.

 

Les visiteurs de Malmaison

Dès 1907, des visiteurs viennent à Malmaison. De ses appartements, au deuxième étage du château, Ajalbert entend leurs commentaires sur la « pauvreté » du musée : « c’est tout….vraiment ça ne vaut pas le voyage ». C’est un défi pour Ajalbert ; il va y répondre et, à son départ en 1917, plus personne ne tiendra ces propos désobligeants.

La même année, la reine Ranavalo de Madagascar[3], exilée en France, vient visiter Malmaison. Ajalbert l’avait rencontrée dans le Cantal lors d’une villégiature. Comme il dit, elle avait « pioché » sa visite grâce à une dame de compagnie. Observatrice, elle remarque des similitudes entre le mobilier napoléonien et celui que la France lui avait offert : il venait du Garde Meuble.

L’ex-Impératrice Eugénie est venue plusieurs fois à Malmaison. Elle avait fait des dons importants et venait voir s’ils étaient bien exposés et avec son nom. En 1913, elle vint pour indiquer, avenue de Marmontel, la place qu’occuperait le mausolée de son fils dans les terrains qu’elle avait acquis. Le mausolée actuel date de 1935, l’ancien étant très dégradé.

Après la Reine et l’Impératrice, voici le prince Louis Bonaparte et le Grand-duc N. Mikhailovitch, guidés par F. Masson.

Le prince Louis Bonaparte est le petit-fils de Jérôme Bonaparte ; Il sert dans l’armée russe. Le Grand-duc est l’oncle du tsar Nicolas II ; c’est un grand collectionneur et un amoureux de la France.

Au moment de leur visite, le musée est encore peu meublé, c’est F. Masson qui le recréait par son érudition. Deux objets excitent la curiosité du Grand-duc : « le surtout de table du sacre » qu’il contemple sur le plancher des appartements d’Ajalbert, le musée n’ayant pas de table adéquate, et « la tente de campagne de Napoléon » exposée dans le parc.

D’après les extraits, de presse, de l’époque, de nombreux journalistes ont dû visiter Malmaison, au moins du temps des expositions. On y trouve aussi Mme Gérard d’Houville[4], Mme Brisson qui anime « Les Annales », groupe culturel et apporte des groupes de jeunes étudiantes ; A. et F. Masson les accueillent et font des conférences.

Jusqu’en 1917, malgré la guerre, des visiteurs viendront à Malmaison profiter du parc, du château, des concerts, de l’avion allemand.

 

Malmaison pendant la Grande Guerre

Mai 1907-juillet 1914 : ces années sont fastes pour Ajalbert et la renaissance du musée. Puis arrivent la déclaration de guerre et son cortège de misères, de deuils ; les esprits n’ont plus les mêmes priorités, la vie quotidienne change.

Pour Malmaison, c’est d’abord les départs successifs des hommes du personnel, le mutisme du ministère quant à la mise en sécurité des objets précieux du château. Encore une fois, Ajalbert monte au créneau car une lettre du ministère, du 3 septembre 1914, lui reproche de demander trop tard les mesures de sécurité pour Malmaison. Ajalbert contre-attaque car il a, dès juillet 1914, demandé des ordres, des finances, et il n’a rien eu. « On oublie Malmaison »

C’est l’attente, les Tuck sont partis à regret et la « grand route » (N 13) est encombrée de gens qui fuient. Le musée est fermé. Ajalbert regarde avec mélancolie le parc de Malmaison, si beau à côté de tous ces évènements déstabilisants.

Puis, on sent lentement un changement dans les écrits d’Ajalbert ; il est moins combatif, moins tourné vers les acquisitions, ses pensées vont vers les autres et la mort de son fils

Charles (17 ans et demi) en 1914 le laisse meurtri et plus accessible aux gens, au petit peuple qui vient à Malmaison pour le château, aux jeunes soldats blessés, en convalescence chez les Tuck et autres grandes maisons bourgeoises de Rueil. « Chaque coup de canon faisait sursauter en moi la douleur assoupie…. En vain je tendais ma mémoire obstinée vers la détresse unanime et la peine intime ».

On sent ses préoccupations dans son plaidoyer pour les musées payants avec de multiples possibilités pour les moins aisés. Par article dans la presse, Ajalbert explique son idée de rendre les musées payants. Tollé de certains : la convention a décrété la gratuité, ce n’est pas la IIIe république qui va instituer les musées payants ! En 1918, après son départ de Malmaison, il défend son idée de musées payants pensant que le budget de la culture en avait bien besoin. Il détaille toutes les possibilités tarifaires pour permettre aux plus humbles de rentrer dans Malmaison ou autres musées : tarifs pour les gens aisés qui viennent en dehors des jours de travail, gratuité le dimanche, tarifs préférentiels pour jeunes, écoliers, professionnels. Il défend le « musée-éducation », apprendre aux jeunes générations et pourquoi ne pas faire naître des vocations. Il dit aussi qu’à l’étranger, les musées sont payants et que personne ne trouve à redire.

En 1915, Ajalbert décide d’aménager le rez-de-chaussée du musée, le 1er étage étant démeublé, les gardiens partis à la guerre. Il rouvre le musée ; le personnel consiste en de jeunes soldats convalescents, heureux de sortir de leur inactivité et sans doute de leurs souvenirs de guerre. Ajalbert parle de leurs gênes physiques dues aux blessures, de leur entraide pour accomplir leur tâche et accueillir les visiteurs.

L’atmosphère en ces années 1915-1916 est morose, la guerre s’éternise, les jeunes hommes partent, les familles attendent.

Ajalbert, malgré sa douleur, malgré la guerre, trouve du réconfort dans la beauté, les couleurs du parc et pense à une musique d’ambiance en harmonie avec la nature ; ce serait bien pour les visiteurs. Pas de musique d’ambiance, mais il aura un petit orchestre grâce à des voisins, des amis comme A. Vernaëlde, professeur au Conservatoire, qui amènera quelques-unes de ses élèves. Et les concerts commencent d’abord à l’intérieur puis à l’extérieur, les spectateurs étant de plus en plus nombreux. C’est un grand succès, les gens sur les pelouses écoutent les musiciens installés devant une porte-fenêtre. Dans la presse, certains applaudissent, d’autres pensent que ce n’est pas le rôle d’un musée ! On était en 1915 et en pleine guerre.

Pendant ces années, les œuvres caritatives fleurissent pour apporter de l’aide aux familles, aux soldats, aux blessés. Chacun y va de son idée pour récupérer des fonds. 1916, année de Verdun. Ajalbert pense que les gens ont besoin de quelque chose de nouveau : pourquoi pas un trophée de guerre ? Un avion ?

Grâce à des amis bien placés, Ajalbert reçoit, le 26 mai 1916, l’accord du chef d’escadron, directeur de l’atelier de réparation de l’aviation à Saint Cyr. L’avion qui va lui être livré, démonté, sera remonté dans la cour d’honneur juste en face de la tente d’entrée, par des gens du centre de Saint Cyr.

Cet avion est allemand, c’est un Aviatik (I.V.S. type D 9). Son envergure est de 12,85m, il mesure 8,17m de long, c’est un biplan, l’avant plaqué, l’arrière entoilé. Le pilote est à l’avant, le passager à l’arrière à côté de la « tourelle » tournante pour mitrailleuse. D’où venait-il ? Son étiquette indiquait simplement « abattu à Varangeville ». Ajalbert estimait que sur 35 millions de Français, 30 millions n’avaient jamais vu un avion de près. Alors quelle occasion d’en observer un ! Un territorial est chargé de le surveiller, de le protéger des visiteurs trop curieux. Mais c’est aussi un passionné d’aviation et il fera visiter avec force détails l’intérieur de l’avion.

Le succès fut immense, les visiteurs très nombreux, l’entrée était payante, mais le soir, après la fermeture officielle, Ajalbert ouvrait la petite porte pour laisser entrer des petits ruellois aux yeux brillants de curiosité.

Cette exposition sera la dernière faite à Malmaison par Ajalbert, car il a demandé son changement. Il va être nommé administrateur à la Manufacture de Beauvais, ou il restera de 1917 à 1927.A partir de 1927, il en devient le directeur jusqu’en 1933 ou il est mis à la retraite.

Il part avec le sentiment du devoir accompli. Il a lancé toutes ses forces dans la mission qu’on lui avait confiée, c’était fait. Mais la mort de son fils avait brisé quelque chose en lui « ma douleur s’était fondue dans l’innombrable douleur. Par le travail, les voyages, j’écartais quelquefois le sombre voile tendu pour toujours et qui retombe dès que l’on s’abandonne ».

À son départ, le conseil municipal adresse à Ajalbert un hommage vibrant pour le travail accompli.

DELIBERATION DU CONSEIL MUNICIPAL DE LA VILLE DE RUEIL
SEANCE ORDINAIRE DU 17 JUIN 1917

« Monsieur le Président fait connaître au conseil que M. Jean Ajalbert, conservateur du musée de la Malmaison, vient d’être nommé administrateur de la Manufacture nationale de Beauvais. Il propose au conseil d’adresser à M. Ajalbert, en même temps que ses félicitations pour la haute distinction dont il vient d’être l’objet de la part de l’Administration des Beaux-Arts, ses bien vifs remerciements pour le gros effort qu’il a fait pour organiser le musée de la Malmaison et lui assurer la réputation considérable dont il jouit. Il rappelle qu’à son arrivée à Rueil, en 1907, M. Ajalbert a pris le musée vide ; il laisse à son départ une œuvre qui a une réputation mondiale et qui attire chaque été 60 000 visiteurs ; c’est pour la ville de Rueil une réclame et une source de revenus constants et grandissants. Il a créé la roseraie qui, en évoquant les grands jours de la Malmaison, donne un attrait de plus aux souvenirs qui s’y rattachent. Sans personnel, le sien étant mobilisé, avec le concours des blessés de l’hôpital Tuck et de l’ambulance Ahlstrom, il a ouvert en 1915 et en 1916, le musée avec entrées payantes. Cette expérience des musées payants, dont il a eu l’initiative, a pleinement réussi, puisqu’en six semaines, il a recueilli 30 000 francs. On peut juger par les résultats obtenus, de ceux qu’on peut espérer, avec l’affluence des étrangers, après la guerre.

Faut-il rappeler le grand deuil qui l’a frappé au milieu de ses préoccupations : son fils, Charles-Jean Ajalbert, engagé en 1914, à 17 ans et demi, a été tué à Vauquois. Le conseil saisit avec empressement l’occasion qui lui est offerte de témoigner à M. Jean Ajalbert sa complète satisfaction pour le gros effort qu’il a fait pendant les dix années qu’il a passées à Rueil, effort qui a donné les magnifiques résultats énumérés, le félicite de sa nomination à Beauvais et lui adresse ses bien sincères condoléances pour le grand malheur qui l’a frappé dans ses plus chères affections ». Le maire : E. Le Blond.

Il est mort en 1947. Il est enterré au cimetière des Brezons (Cantal)

 

BIBLIOGRAPHIE

-Malmaison, château et domaine des origines à 1904 – Bernard Chevallier, Conservateur

– Inventaire après décès de l’Impératrice Joséphine

-Bulletins des Amis de Malmaison

-Documents du Musée de Malmaison

-Documents Société Historique de Rueil- Malmaison

 

[1] Ce lit, ramené de St Hélène par des familiers, (Bertrand, Marchand, abbé Vignali, Montholon) serait le lit mortuaire de l’Empereur. Des membres de la famille de Napoléon contestent son authenticité alors que d’éminents historiens de l’époque la confirment. Ce lit est toujours à Malmaison.

[2] Giuseppe Bagetti 1764-1831 Un des premiers ingénieurs topographes à réaliser des aquarelles de la première campagne d’Italie

[3] Ranavalo III reine de Madagascar 1861-1917. Elle fut déposée en 1897 par la France qui prit le pouvoir dans son pays. Elle s’exila et fût l’hôte de la France, elle y fit de nombreux voyages dont un en 1905 dans le Cantal.

[4] Gérard d’Houville. 1875-1963. Marie de Hérédia, qui prit comme nom de plume Gérard d’Houville, était l’une des filles de José Maria der Hérédia et la femme d’Henri de Régnier. Poétesse et romancière dit-il. Le ministère des Beaux-Arts l’aide un peu mais, finalement, c’est Ajalbert et des ruellois qui rangent tous les meubles dans le salon de musique, non pour les cacher mais pour les préserver de « visiteurs » militaires peu soigneux.