Biographie
Jeunesse, Naissance
Napoléon Bonaparte naît à Ajaccio le 15 août 1769, jour de la Sainte-Marie (patronne de la Corse), dans la maison familiale, aujourd’hui transformée en musée. Napoléon naît un an après le traité de Versailles, par lequel la république de Gênes cède la Corse à la France ; l’île est donc récemment française. Ondoyé à domicile, il a pour nom de baptême Napoleone Buonaparte (prénom donné en mémoire d’un oncle décédé à Corte en 1767), et n’est baptisé à la cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption d’Ajaccio que le 21 juillet 1771. La famille Bonaparte est d’origine italienne et passée en Corse à la fin du XVe siècle. Jean Tulard écrit que, depuis 1616, les Bonaparte sont membres du conseil des Anciens d’Ajaccio ; ils sont essentiellement notaires, hommes de loi, avocats, et sont alliés à d’anciennes familles seigneuriales insulaires.
Napoléon est le quatrième enfant (second des enfants survivants, après Joseph) de Charles Bonaparte, avocat au Conseil supérieur de l’île et greffier au tribunal, et de Maria Letizia Ramolino, dont le mariage avait été célébré en 1764.
Plus tard, Napoléon fera de sa date de naissance, le 15 août, un jour férié : la Saint-Napoléon.
Enfance et formation militaire
La famille Bonaparte vit à Ajaccio, rue Malerba (rue de la Mauvaise-Herbe, aujourd’hui rue Saint-Charles), dans une petite maison traditionnelle du XVIIIe siècle, que Napoléon qualifiera lui-même de « misérable ». La Casa Buonaparte est habitée au rez-de-chaussée et au premier étage par les Bonaparte et au deuxième étage par leurs cousins, les Pozzo di Borgo. Ce voisinage est insupportable et les deux familles vivent dans une brouille continuelle. On raconte qu’un jour, une Pozzo di Borgo aurait jeté le contenu d’un pot de chambre par la fenêtre, sur Madame Letizia.
Les Bonaparte ne sont pas une famille riche. Dans ce milieu rural, les ressources matérielles de la famille sont essentiellement fondées sur les récoltes et les échanges. À l’école, Bonaparte est un enfant turbulent et bagarreur avec ses camarades, mais sera très vite reconnu comme étant un enfant avec de grandes capacités, notamment pour le calcul.
Le 8 juin 1777, Charles Bonaparte est élu député de la noblesse aux États de Corse. En cette qualité, il fait partie de la députation que l’Assemblée générale des États de la Corse envoie à Versailles auprès du roi Louis XVI. Le 15 décembre 1778, il part pour Versailles où Louis XVI le reçoit en audience une seconde fois, la première rencontre avec le roi datant de 1776. À cette occasion, le comte de Marbeuf, gouverneur de l’île, fait obtenir, auprès du ministre de la guerre, le prince de Montbarrey, une bourse pour faire entrer le deuxième fils de Charles à l’école militaire, l’aîné Joseph étant destiné à suivre une carrière ecclésiastique.
Arrivés en France le 15 décembre 1778, c’est le 1er janvier 1779 que Charles Bonaparte fait entrer provisoirement ses deux fils Joseph et Napoléon au collège d’Autun. Napoléon y reste trois mois, le temps pour son père de faire les démarches permettant de le faire admettre à l’école militaire. Pour obtenir une bourse du roi, il faut fournir les preuves de sa noblesse et de quatre degrés d’ancienneté. De plus, c’est à Autun que réside Mgr Alexandre de Marbeuf, évêque d’Autun et neveu du gouverneur de la Corse.
Arrivé au collège d’Autun, Napoléon ne sait pas parler français, il ne parle qu’un dialecte corse. La légende veut qu’à ce moment-là, Napoléon ait appris le français en trois mois, ce qui est très peu probable. Napoléon gardera toute sa vie son accent italien et sa mauvaise orthographe. Après trois mois et vingt jours passés à Autun, il ira à l’école militaire de Brienne, où il restera 5 ans. C’est un épisode douloureux pour Napoléon qui devra se séparer de son frère.
École royale militaire de Brienne (1779-1784)
Charles Bonaparte ayant fourni les preuves de noblesse de la famille, Napoléon est agréé par le ministère de la Guerre pour entrer au collège militaire de Tiron, mais, à la suite de défections, il est finalement admis à l’école royale militaire de Brienne-le-Château (aujourd’hui dans l’Aube). Napoléon y entre le 15 mai 1779 en classe de septième étant âgé de presque 10 ans. C’est l’un des douze collèges de France qui accueillent les enfants de la petite noblesse. Il va y rester cinq ans. Bonaparte n’aurait pas été très apprécié de ses camarades, souffrant de moquerie à cause de son fort accent, faisant des fautes de langage, il vivra dans un isolement presque total et en gardera un souvenir assez malheureux. De plus, Bonaparte ne cache pas son admiration pour Pascal Paoli. Selon Jacques Godechot, les témoignages sur le séjour de Brienne sont contradictoires et sujets à caution. Élève assez moyen en général, bon en mathématiques, il montre tout de même déjà une propension à l’art du commandement, en organisant des jeux militaires dont il prend la tête. Une bataille de boules de neige, qu’il aurait dirigée un hiver, fait partie de sa légende. Son frère Joseph, ayant abandonné son projet d’entrer au séminaire, étudie le droit, Lucien entre au séminaire d’Aix-en-Provence et ses sœurs sont éduquées par Mme Campan.
Le 22 septembre de la même année, le sous-inspecteur des écoles fait passer aux élèves cadets de Brienne l’examen d’entrée à l’École militaire de Paris, où après un an d’études ils pourront être affectés à un régiment d’artillerie, du génie ou de la marine. Napoléon est jugé apte à y entrer ainsi que quatre de ses condisciples.
École militaire supérieure de Paris (1784-1785)
Il quitte l’école de Brienne, à l’âge de quinze ans, le 17 octobre 1784 et arrive cinq jours plus tard à Paris, où il intègre la compagnie des cadets gentilshommes de l’école militaire de Paris. Le jeune Napoléon est très impressionné par les magnifiques bâtiments de l’école et par les appartements.
Napoléon se distinguera en mathématiques en maîtrisant en dix mois « le fameux Bezout », traité de mathématiques étudié habituellement en trois ans. Doué en mathématiques, il ne présente aucune disposition pour les langues vivantes en négligeant les cours d’allemand. Comme à Brienne, Napoléon, petit noble, souffre des inégalités et ira même jusqu’à proposer au directeur de l’école un projet de règlement qui interdirait les démonstrations liées aux privilèges de la fortune.
Le 24 février 1785, Charles Bonaparte meurt d’un cancer de l’estomac dans d’atroces souffrances ; le rôle de chef de la famille échoit alors à l’aîné Joseph, mais Napoléon le juge d’un caractère trop faible pour diriger la famille. En septembre, il passe l’examen de sortie de l’école, interrogé par le mathématicien Pierre-Simon de Laplace ; il est jugé apte à être affecté à un régiment de la marine, mais la mère de Napoléon s’y oppose et il est finalement intégré à un régiment d’artillerie.
Affectation au régiment d’artillerie de la Fère (1785-1791)
Séjour de Napoléon Bonaparte à Auxonne.
Il est reçu sous-lieutenant (42e sur 58), à l’examen de l’artillerie. Il reçoit son ordre d’affectation, comme lieutenant en second, au régiment d’artillerie de la Fère, alors en garnison à Valence, qu’il rejoint le 3 novembre 1785.
L’été suivant, il obtient un congé de six mois à partir du 1er septembre 1786. Le 15 septembre 1786, sept ans et neuf mois après son départ, il repose les pieds sur l’île de Corse à l’occasion de son congé de semestre. Il ne rejoindra son régiment que treize mois plus tard, le 30 septembre 1787. Dès novembre 1787, il demande un nouveau congé de six mois, qu’il obtient. Il ne réintégrera son régiment que le 15 juin 1788. Le 1er juin 1788, il s’embarque pour rejoindre son régiment de La Fère en garnison à Auxonne et apprendre son métier d’artilleur. Dans ses loisirs, il travaille assidûment. Ses nombreuses lectures (Plutarque, Tite-Live, Cicéron, Montaigne…), qu’il accompagne de Notes, témoignent du sens dans lequel il a dirigé ses études et des sujets qui l’ont particulièrement attiré.
Le 9 septembre 1789, il quitte Auxonne pour un nouveau congé de six mois. Il ne réintègre son régiment que le 11 février 1791. Le 1er avril 1791, il devient lieutenant en premier de son régiment. Le 1er septembre 1791, il demande un nouveau congé de trois mois, mais ne réintègrera jamais le 1er régiment d’artillerie. Premières armes
Siège de Toulon (1793)
Guerres de la Révolution française.
Lorsque la Révolution éclate en 1789, le lieutenant Bonaparte a dix-neuf ans. Il est présent depuis le 15 juin 1788 au régiment de La Fère, alors à l’école royale d’artillerie à Auxonne dirigée par le maréchal de camp Jean-Pierre du Teil. Ce dernier lui confie la répression de la première émeute de la faim qui éclate dans la ville le 19 juillet 1789.
En 1791, le lieutenant Bonaparte répond à l’ouverture de l’armée russe aux émigrés français ordonnée par la tsarine Catherine II. Son offre est rejetée car la tsarine, qui se méfie des républicains, est également rebutée par le caractère prétentieux du lieutenant qui demande son intégration dans son armée avec le grade de major (Майор/Mayor, c’est-à-dire « commandant » ou « chef de bataillon »).
Napoléon retourne à plusieurs reprises en Corse, où les luttes de clans avaient repris, les paolistes soutenant la monarchie à l’anglaise, et les Bonaparte la Révolution. Napoléon se fait élire, dans des circonstances floues (522 voix sur 492 inscrits), lieutenant-colonel en second du 2e bataillon de volontaires de la Corse à Ajaccio le 1er avril 1792. Les troubles qui suivent cette élection amènent les autorités de l’île à éloigner Bonaparte en lui confiant une mission sur le continent au moment où la France déclare la guerre au roi de Bohême et de Hongrie. Présent ponctuellement à Paris, le jeune officier est spectateur de l’invasion des Tuileries par le peuple le 20 juin 1792 et aurait manifesté alors son mépris pour l’impuissance de Louis XVI. Ce dernier signe, quelques jours plus tard, son brevet de capitaine ; ce sera l’un de ses derniers actes publics.
De retour à Paris, Bonaparte est nommé capitaine le 13 juillet 1792, dans le contexte de la guerre, où l’on a besoin de soldats. De plus, il ne reste que 14 officiers sur 80 dans son régiment, le 4e d’artillerie. La guerre prend de l’ampleur à l’automne 1792 avec la constitution d’une coalition des monarchies européennes contre la toute nouvelle République française, coalition à laquelle participe le royaume de Sardaigne. C’est à son poste de commandant en second du bataillon Quenza-Bonaparte que ce dernier fait ses premières armes en février 1793, participant à la tête de l’artillerie à l’expédition de La Maddalena. Malgré l’efficacité et la détermination de Napoléon, l’opération commandée par Colonna Cesari, un proche de Paoli, est un échec cuisant. Cet événement et l’exécution du roi en janvier 1793 attisent la division avec les paolistes, provoquant une révolte des indépendantistes.
Les désaccords entre Paoli et Bonaparte s’accentuent à la suite d’une lettre de Lucien Bonaparte à la Convention pour dénoncer Paoli. Paoli l’apprend, et c’est la rupture entre lui et Bonaparte. La famille de Napoléon, dont la maison a été mise à sac et incendiée le 24 mai 1793 par les paolistes, est contrainte de se réfugier dans une autre résidence, leur petite ferme de Milleli. Quelque temps plus tard, le 11 juin 1793, ils décident de quitter l’île précipitamment à destination de la France continentale, Napoléon déclarant « Ce pays n’est pas pour nous », en parlant de la Corse. Cela va faire naître chez Napoléon une véritable rancune envers les Corses, qu’il évitera tout au long de sa vie. Il déclarera, quelques mois avant sa mort en 1821 au maréchal Bertrand : « La Corse n’est pour la France qu’un inconvénient, une verrue qu’elle a sur le visage ».
Débarqués en France le 13 juin 1793, les Bonaparte s’installent d’abord près de Toulon, puis dans la région de Marseille, en pleine guerre fédéraliste. La famille qui vient de quitter sa Corse natale a beaucoup de mal à vivre en France, sans argent, sans aucune situation stable. Napoléon Bonaparte, ce jeune capitaine en garnison à Nice, obtient un rappel de solde de 3 000 livres. Il est affecté auprès de l’armée chargée de mater l’insurrection fédéraliste du Midi. Il s’active à approvisionner l’artillerie de Nice en munitions et en poudres durant l’été 1793, ce matériel étant bloqué à Avignon par les girondins.
Le 29 juillet 1793, Bonaparte est à Beaucaire, et c’est à cette période qu’il rédige le fameux Souper de Beaucaire, pamphlet politique pro-jacobin et anti-fédéraliste, dans lequel un militaire discute avec des bourgeois, en leur disant qu’ils doivent se rallier à la Convention nationale. Ce pamphlet sera d’ailleurs utilisé comme instrument de propagande de la Convention. Le 28 août 1793, alors que Marseille vient d’être reprise par les jacobins et que la famille Bonaparte s’y installe, Toulon, tenue par les fédéralistes et les royalistes, se livre aux troupes britanniques et espagnoles. L’arsenal, la flotte française est livrée aux Anglais.
Siège de Toulon (1793).
Bonaparte est capitaine d’artillerie lorsqu’il se présente au général Carteaux chargé de diriger le siège de la ville. Celui-ci ne l’écoute pas et ne suit pas ses conseils. Bonaparte obtient, à la demande des commissaires Augustin Robespierre et son compatriote Salicetti, le commandement de l’artillerie, avec le grade de chef de bataillon. Bonaparte s’oppose aussi à Louis Fréron, qui, par sa mauvaise gestion des affaires militaires, contribue au lancement de sa carrière. Il rencontre lors de ce siège de jeunes officiers comme Marmont ou Victor et le sergent Junot qui accompagneront la suite de sa carrière. L’artillerie est dirigée par Dommartin, mais Bonaparte est nommé commandant à sa place, le 19 octobre 1793. Le 23 novembre, il parvient, avec ses hommes, à capturer le général anglais Charles O’Hara.
Après l’échec d’un assaut contre Toulon, Napoléon soumet un plan d’attaque au général Dugommier, qui a pris le commandement du siège. L’application de ce plan permet la reprise de la ville aux troupes royalistes et britanniques le 18 décembre, après la prise du Petit Gibraltar. Ses ordres contribuent à forcer la flotte britannique à quitter la rade de Toulon et à priver ainsi les insurgés d’un soutien précieux. Il est fait général de brigade le 22 décembre 1793 et refusera au commissaire Augustin Robespierre (frère de Maximilien de Robespierre), son protecteur, le commandement de l’armée de Paris. Augustin dira d’ailleurs à son frère, par une lettre, que Bonaparte est « un mérite transcendant et Corse ». Le nom de « Bonaparte » est désormais connu de Maximilien de Robespierre.
Bonaparte, jeune général victorieux
Après cette victoire, Bonaparte suscite l’admiration auprès de la Convention, mais aussi auprès de la gent féminine. Il se met à fréquenter Désirée Clary, qui devient officiellement sa fiancée le 21 avril 1795/ 2 floréal an III.
Il obtient une mission de ravitaillement à Gênes le 15 juillet 1794, visant à se renseigner sur les forces militaires de la République de Gênes. Le 27 juillet 1794 (9 thermidor an II), il rentre à Paris, le jour de la chute de Robespierre. Ses amitiés avec les jacobins lui valent d’être brièvement arrêté le 9 août 1794 à Antibes, au fort Carré. La situation reste mauvaise pour Bonaparte. Il remonte ensuite à Paris, et se présente au ministère de la Guerre qui lui propose d’aller faire de la répression en Vendée, mais Bonaparte refuse, car il a l’esprit tourné vers l’Italie. Pour éviter d’y aller de force, il se présentera malade de la gale, accompagné d’un certificat médical.
Au mois de juillet 1795, il espère aller en Turquie à la demande du sultan pour devenir officier instructeur. Cela échouera, il n’est pas retenu.
Le 15 septembre 1795, il est renvoyé brusquement — ou il démissionne, la cause reste encore floue. Désormais sans affectation et sans solde, c’est une catastrophe pour lui. Mais Bonaparte ne tardera pas à reparaître, un certain 5 octobre 1795, le 13 vendémiaire an IV.
Paris et le 13 vendémiaire
Insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV.
Une fois Bonaparte libéré, François Aubry, membre du comité militaire, lui propose en 1795 un commandement en Vendée mais il refuse et lui dit même « on vieillit vite sur le champ de bataille et j’en arrive ». Aubry le met alors en congé, mais sans solde. Par la suite, il erre à Paris sans commandement effectif ; sans argent, il va souvent dîner chez Bourrienne ou chez Mme Panoria Comnène, épouse Permon, une connaissance de Corse, avec Junot, les deux étant devenus inséparables depuis le siège de Toulon.
Le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), Barras, à qui revient la charge de commander les opérations de défense, demande à Bonaparte de réprimer l’insurrection royaliste contre la Convention nationale. En effet, 25 000 royalistes préparent une insurrection à Paris. À cette occasion, Bonaparte a sous ses ordres un jeune officier, Joachim Murat, chef d’escadron, son futur beau-frère. Ce dernier joue un rôle déterminant, en transférant à temps les canons indispensables depuis les Sablons jusqu’aux abords des Tuileries. La canonnade de Saint-Roch — où les boulets ont été remplacés par de la mitraille plus « efficace » — disperse les forces royalistes, faisant trois cents morts.
Quelques jours plus tard, Bonaparte est promu général de division, le 24 vendémiaire an IV (16 octobre 1795), puis nommé général en chef de l’armée de l’Intérieur, le 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), succédant à Barras qui devient l’un des cinq membres du Directoire (régime qui succède à la Convention le 4 brumaire an IV (26 octobre 1795)). Il s’installe alors à Paris, à l’hôtel de la XVIIe division, rue des Capucines. Bonaparte fait ici une ascension extraordinaire et fulgurante en devenant, en quelques semaines seulement, un personnage très important de la capitale.
Bonaparte et Joséphine
Marie Josèphe Rose Tascher de la Pagerie est veuve d’Alexandre de Beauharnais, général de l’armée du Rhin, accusé de s’être rendu au siège de Mayence de 1793 : il a été guillotiné en 1794, tandis qu’elle a été emprisonnée. Alexandre lui avait donné deux enfants : Eugène et Hortense. Joséphine est née en Martinique en 1763 : son père y possédait une plantation de cannes à sucre.
Après une première rencontre entre Bonaparte et Joséphine le 15 octobre 1795, une véritable passion naît entre les deux amants. Très rapidement ils décident de se marier. Bonaparte s’empresse donc d’écrire une lettre de rupture à Désirée Clary, dont la sœur Julie a été mariée à Joseph le 1er août 1794. Le 9 mars 1796 en retard à la cérémonie, Bonaparte arrive et s’écrie auprès du commissaire chargé de remplacer le maire « Mariez-nous vite », en le réveillant. Le mariage républicain a lieu à Paris dans la mairie du IIe arrondissement (l’ancien) ; il n’y a pas de mariage religieux. Paul Barras, l’ancien amant de Joséphine, est présent. Sur leur certificat, les époux falsifient leur âge, effaçant quasiment leur différence qui est de six ans : Joséphine se donne quatre ans de moins et Bonaparte dix-huit mois de plus. En outre, le mariage n’est pas réglementaire car le commissaire n’est pas habilité à en célébrer. Deux jours plus tard, Bonaparte rejoint son armée d’Italie à Nice, en passant par Marseille pour annoncer à sa mère la nouvelle de son mariage.
La campagne d’Italie (1796-1797)
Campagne d’Italie (1796-1797).
Le 2 mars 1796, Bonaparte avait obtenu sa promotion de général en chef de la petite armée d’Italie, appelée en principe à ouvrir un simple front de diversion. Officier d’artillerie de formation, il innove à cette époque dans l’utilisation de l’artillerie (canon de Gribeauval) comme force mobile d’appui des attaques d’infanterie. Il sait motiver ses hommes et fait, sur le terrain qu’il avait reconnu en 1793-94, une campagne d’exception qui reste étudiée dans toutes les écoles de guerre.
C’est la première grande campagne de Bonaparte, à laquelle il attachera beaucoup d’importance tout au long de sa vie. Stendhal dira même qu’il s’agit de la période la plus brillante de la vie de Bonaparte. L’armée que l’on confie à Bonaparte n’est pas censée être très importante. Il s’agit d’une campagne de diversion, tandis que deux armées du Rhin bien plus puissantes contournaient les Autrichiens par le nord. Il remportera victoire sur victoire et réorganisera le nord de l’Italie.
En un peu plus d’un an, il bat cinq armées autrichiennes, fréquemment à un contre deux, et décide seul du sort de la guerre, les armées françaises du Rhin étant battues par les Autrichiens qui doivent affaiblir leurs troupes sur ce front pour envoyer des renforts en Italie. Il bat séparément quatre généraux piémontais et autrichiens (dont Colli, von Beaulieu et Argenteau à Millesimo, Montenotte), après s’être emparé du massif de l’Authion avec Masséna, là où les généraux Gaspard Jean-Baptiste Brunet et Jean-Mathieu-Philibert Sérurier avaient échoué, à la baisse de Turini-Camp d’argent, et signe l’armistice de Cherasco avec le premier royaume.
Dans une deuxième phase, il bat une nouvelle armée autrichienne envoyée en renfort et commandée par Sebottendorf à Lodi et Beaulieu à Borghetto. Le 15 mai 1796, le jeune Bonaparte entre dans Milan, à la tête de son armée.
Dans une troisième phase organisée autour du siège de Mantoue, il bat deux nouvelles armées autrichiennes commandées par Quasdanovich et Wurmser dans sept batailles, dont Castiglione, Roveredo. Enfin, les renforts commandés par Alvinczy sont à nouveau battus au pont d’Arcole et à Rivoli. C’est le 15 novembre 1796, que Bonaparte, âgé de 27 ans se bat aux côtés de ses soldats à la fameuse bataille du pont d’Arcole. Les soldats surprennent l’ennemi autrichien, en marchant au pas de charge. Muiron, l’aide de camp de Bonaparte mourra à Arcole, à l’âge de 22 ans.
Tout en organisant l’Italie en républiques sœurs sur le modèle de la République française, il marche sur l’Autriche et signe seul les préliminaires de paix de Leoben. La rue qu’il habitait à Paris s’appelait rue Chantereine. Elle fut rebaptisée rue de la Victoire, nom qu’elle a conservé à ce jour.
Pendant cette campagne, Joséphine s’est rapprochée d’un nouvel homme, le capitaine Hippolyte Charles qui devient son amant peu après son mariage avec Bonaparte.
Campagne d’Égypte (1798-1801)
Campagne d’Égypte et Deuxième Coalition.
À son retour d’Italie, en décembre 1797, Bonaparte est accueilli comme un héros par le Directoire qui organise une cérémonie officielle pour célébrer la paix de Campo-Formio. Sa popularité auprès des Français est de plus en plus importante et le 25 décembre 1797, il est élu membre de l’Institut dans la section des arts mécaniques de la classe des sciences physiques et mathématiques. En février 1798, le Directoire soumet à Bonaparte le projet d’une invasion de l’Angleterre. Celui-ci inspecte alors les côtes françaises de Boulogne, Calais et Dunkerque, en vue de la réalisation du projet. Le 23 février 1798, le gouvernement abandonne le projet d’invasion de l’Angleterre sur les conseils de Bonaparte, qui, lui-même influencé par Talleyrand, persuade alors le Directoire de porter la guerre en Égypte, où il pourra couper la route des Indes à la Grande-Bretagne. Le 24 février 1798, le rapport est présenté à Barras. Le 5 mars, inquiet de la popularité de Bonaparte, le Directoire le charge de mener l’expédition en Égypte, avec l’arrière-pensée de s’en débarrasser. De même, l’assemblée électorale des Landes l’ayant choisi pour député en avril 1798, son élection est invalidée le 22 floréal an VI (11 mai 1798), avec celle de cent cinq autres députés, pour l’essentiel jacobins.
En avril 1798 est créée l’armée d’Orient, placée sous les ordres de Bonaparte. Le général Bonaparte organise son état-major et choisit, comme en Italie, huit officiers comme aides de camp : Duroc, Beauharnais, Jullien, le polonais Sulkowski, Croizier, Lavalette, Guibert et Merlin. Les généraux Kléber, Desaix, Murat, Lannes, Davout, Menou, Caffarelli, Jullien, Andréossy et Dumas l’accompagnent, ainsi que des scientifiques qui formeront l’Institut d’Égypte.
Le 19 mai 1798, Bonaparte quitte Toulon avec le gros de la flotte française et parvient à échapper à la poursuite de la flotte britannique de Nelson. Les Français s’emparent d’abord de Malte, les 10 et 11 juin 1798, pour assurer les communications ultérieures entre la France et l’Égypte. Le 19 juin 1798, après avoir laissé une garnison de 3 000 hommes sur place, la flotte met le cap sur Alexandrie qu’elle atteint le 1er juillet 1798. Après une courte résistance, la ville est prise le lendemain.
Bonaparte laisse trois mille hommes à Alexandrie et se dirige vers l’est, en longeant le delta du Nil jusqu’au fleuve qu’il remonte ensuite vers Le Caire. Le premier véritable combat de la campagne d’Égypte a lieu à Chebreiss le 13 juillet 1798 où les cavaliers mamelouks sont défaits, grâce à l’artillerie de l’armée d’Orient. Le 21 juillet, à la bataille des Pyramides de Gizeh, Bonaparte bat à nouveau l’armée des mamelouks. Le 24 juillet, Bonaparte et son armée entrent en vainqueurs au Caire. Les 1er et 2 août, la flotte française est presque entièrement détruite à Aboukir par la flotte de l’amiral Nelson. Désormais, les Britanniques sont maîtres de la Méditerranée et Bonaparte est prisonnier de sa conquête. À la suite de cette défaite, les Turcs déclarent la guerre à la France le 9 septembre, car l’Égypte fait partie de l’Empire ottoman, comme la majorité du Proche-Orient.
Pendant qu’il décide de faire de l’Égypte un véritable État capable de vivre en autarcie, Bonaparte envoie le général Desaix poursuivre Mourad Bey jusqu’en Haute-Égypte, complétant ainsi la soumission du pays. Poussés par les Britanniques et les Turcs, les mamelouks survivants influencent la population du Caire qui se révolte le 21 octobre contre les Français. Cette révolte est impitoyablement réprimée par les troupes françaises. Le calme revient et Bonaparte rétablit la situation en décrétant finalement une amnistie générale, non sans avoir fait couper bon nombre de têtes, exhibées à la foule terrorisée, et canonner la grande mosquée Al-Azhar.
L’expédition de Syrie
En février 1799, Bonaparte se déplace en Syrie pour affronter les troupes ottomanes que le sultan a envoyées pour attaquer les Français en Égypte. Le 10 février 1799, Bonaparte quitte Le Caire avec son armée et bat les Turcs aux combats d’El-Arich et de Gaza. Le 7 mars 1799, la ville de Jaffa est prise et pillée par les Français. Napoléon ordonne l’exécution de quelque deux mille cinq cents prisonniers turcs qui sont fusillés ou égorgés faute de munitions. Par ce massacre, il espère impressionner ses adversaires. C’est à ce moment-là que la peste apparaît dans les rangs français. Napoléon est favorable à l’euthanasie des soldats agonisants à l’aide de fortes doses d’opium (utilisé pour calmer la douleur), mais son médecin, le baron Desgenettes, s’y oppose énergiquement.
Le 19 mars 1799, Bonaparte met le siège devant Saint-Jean d’Acre. Le 13 avril 1799, les cavaliers de Junot mettent en déroute les cavaliers ottomans à la bataille de Nazareth et le 16 avril 1799, Bonaparte et Kléber écrasent l’armée turque de secours envoyée par le sultan pour libérer le siège de Saint-Jean d’Acre à la bataille du Mont-Thabor. Bien que victorieuse à cette bataille, le 16 avril 1799, l’expédition en Syrie est ensuite décimée par la peste puis arrêtée à Acre.
De retour à Acre, Bonaparte essaie, en vain, du 24 avril au 10 mai 1799, de prendre la ville. Le 17 mai, il décide d’abandonner le siège et retourne en Égypte. Le 14 juin, il arrive au Caire et, dans un retournement de situation, bat les Turcs le 25 juillet à la bataille terrestre d’Aboukir.
La situation du Directoire lui paraissant favorable à un coup de force, Bonaparte, qui n’a plus qu’une armée de terre affaiblie, ayant perdu sa marine, abandonne le commandement de l’armée d’Égypte à Jean-Baptiste Kléber.
Lors de cette campagne, Bonaparte va être accompagné d’un mamelouk qui le suivra pendant de nombreuses années. Il s’agit de Roustam Raza.
Retour à Paris, situation de la France
Il rentre discrètement en France le 23 août 1799 à bord de la frégate La Muiron, abandonnant au général Kléber une armée diminuée et malade. Il débarque à Saint-Raphaël le 9 octobre après avoir échappé aux escadres britanniques pendant les 47 jours de la traversée. Sur le chemin qui le mène à Paris, il est acclamé par la population. Jean-Baptiste Kléber se révèle un excellent administrateur et parvient, le 20 mars 1800, à vaincre les Turcs à la bataille d’Héliopolis. Cette victoire permet à la France de conserver l’Égypte, mais Kléber meurt assassiné, le 14 juin au Caire, le jour même de la victoire de Bonaparte en Italie à la bataille de Marengo. Le successeur de Kléber, le général Menou, capitule le 31 août 1801 devant les forces turco-britanniques après avoir perdu 13 500 hommes, principalement victimes des épidémies au cours des négociations de paix. Les soldats français restants sont rapatriés sur les vaisseaux britanniques vers la France.
Coup d’État
Coup d’État du 18 Brumaire.
Arrivé dans la capitale, le général s’entretient avec Talleyrand, homme politique d’expérience et fin connaisseur des forces en jeu. Le schéma du coup d’État du 18 Brumaire (9 novembre 1799) prévoit les opérations suivantes : Bonaparte aura le commandement en chef de l’armée pour le maintien de l’ordre dans Paris et dans les assemblées. On envisage de déplacer les assemblées au château de Saint-Cloud sous le prétexte d’un péril jacobin. En effet, depuis 1789, les assemblées se trouvent toujours sous la menace de la population parisienne.
L’essentiel des événements se déroule le 19 brumaire à Saint-Cloud. Les révisionnistes avaient envisagé une démission collective des cinq directeurs, mais les assemblées ont du retard car cette idée ne fait pas l’unanimité ; Bonaparte s’impatiente et décide d’intervenir. Il tient un discours maladroit devant le Conseil des Cinq-Cents, discours hué par les députés qui l’accusent de vouloir instaurer la dictature. Bonaparte est alors contraint de quitter l’assemblée. Mais il prend rapidement la situation en main avec l’aide de son frère Lucien qui préside les Cinq-Cents. Lucien évite que Napoléon soit mis en cause par les députés qui veulent voter pour mettre hors-la-loi Bonaparte. Lucien retarde le vote et va chercher Murat, qui vient avec la troupe et met de l’ordre dans les assemblées, disant que certains députés voulaient poignarder Bonaparte pour justifier une intervention de l’armée. Les représentations des députés sortant par les fenêtres et voulant poignarder Napoléon sont très répandues. Bonaparte est de fait l’homme fort de la situation, qui fait basculer un coup d’État parlementaire en un coup d’État militaire. Mais Bonaparte reste attaché aux formes juridiques et, dans la soirée du 19 brumaire, les députés restent à Saint-Cloud pour voter la décision de nommer deux commissions pour préparer une nouvelle constitution. On constate alors une volonté d’appuyer le régime sur le vote des représentants du peuple.
Le 20 brumaire, les trois consuls sont désignés : Bonaparte, Sieyès et Ducos. C’est le début du Consulat.
« La Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée : elle est finie. » — Bonaparte, 20 brumaire an VIII
Roger Ducos est tout acquis à Bonaparte, alors que Sieyès lui n’entend pas se résigner à abandonner le pouvoir à Bonaparte seul. Il entend bien jouer un rôle dans le gouvernement du Consulat. Pour contrecarrer son encombrant collègue, Bonaparte, multipliant les provocations, maintient aux portefeuilles ministériels les ennemis de Sieyès en offrant les Relations extérieures à Talleyrand et celui de la Police à Fouché.
Le travail de rédaction de la Constitution est confié officiellement à deux commissions législatives formées de députés des Cinq-Cents et des Anciens. Mais c’est Sieyès qui va proposer un projet. À l’examen, le projet s’avérera trop complexe, voire irréaliste. En effet, il prévoit l’instauration d’un régime démocratique fondé sur un pouvoir législatif fort représenté par trois chambres. L’exécutif sera, quant à lui, réduit à une magistrature à vie purement honorifique et à deux consuls aux fonctions limitées. Bonaparte profite des faiblesses de ce plan pour imposer son propre projet et se débarrasser de son encombrant rival. Du 4 au 13 décembre 1799, il réunit ainsi les deux commissions dans son bureau pour élaborer le texte de la nouvelle constitution.
La Constitution de l’an VIII est adoptée en comité restreint le 13 décembre 1799. Elle s’inspire en partie du projet de Sieyès, mais intègre les idées politiques de Napoléon Bonaparte, notamment concernant le pouvoir exécutif. Sieyès, lui-même, est chargé de désigner les trois consuls de la République : Bonaparte comme Premier consul, puis Cambacérès et Lebrun, comme respectivement 2e et 3e consuls de la République. Sieyès, quant à lui, est « relégué » au poste de président du Sénat.
La Constitution
La Constitution de l’an VIII entre en vigueur le 25 décembre 1799. Bonaparte établit la Constitution sous des apparences démocratiques, mais organise un pouvoir autocratique. Toutes les évolutions du régime ne feront qu’accentuer le caractère autocratique du pouvoir.
Le pouvoir législatif est divisé en trois assemblées (tricamérisme) :
- le Tribunat discute les lois sans les voter ;
- le Corps législatif (ou « Corps des muets ») adopte ou rejette les lois ;
- le Sénat conservateur est chargé de vérifier que la loi est conforme à la constitution.
La préparation de la loi appartient à l’exécutif, par le biais du Conseil d’État, chargé de rédiger les textes législatifs. Le pouvoir fonctionne de manière autoritaire, les procédés de démocratie semi-directe (quelque peu fictive) sont soigneusement organisés et contrôlés. Le consul corrige lui-même les résultats s’ils ne sont pas satisfaisants.
De la fonction de consul à celle d’empereur
En 1800, Bonaparte attaque et vainc l’archiduché d’Autriche une nouvelle fois. Battus à Marengo par Napoléon et à Hohenlinden par Moreau, les Autrichiens doivent signer le traité de Lunéville le 9 février 1801, ce qui amène les Britanniques à signer la paix d’Amiens le 25 mars 1802 (4 germinal an X, contresignée deux jours plus tard). Si son pouvoir était fragile au lendemain de Brumaire, la victoire de Marengo et ses suites consolident fortement la situation de Bonaparte.
Le 24 décembre 1800, alors que le Consul et sa famille étaient en route pour aller à l’opéra, ils sont victimes d’une « machine infernale » (bombe) qui les attend rue Saint-Nicaise. Le cocher du Premier consul passe au grand galop. La bombe explose trop tard et seules les vitres du véhicule sont soufflées. Sur place, en revanche, c’est le carnage. On dénombre 22 morts et une centaine de blessés. Fouché, alors ministre de la Police, réussit à prouver que l’attentat est l’œuvre des royalistes, dirigé par un certain François-Joseph Carbon, alors que Bonaparte est persuadé d’avoir affaire aux jacobins.
En 1802, c’est la paix d’Amiens, l’occasion pour Napoléon de régler un vieux compte avec le journaliste Jean-Gabriel Peltier, exilé depuis 10 ans à Londres et dont les articles l’indisposent. Le roi d’Angleterre laisse faire, le procès s’ouvre le 21 février 1803 à Westminster. Bien que défendu par James Mackintosh, J-G. Peltier est condamné, mais la peine ne sera jamais appliquée. Plus important et bientôt plus grave, Bonaparte met en branle son grand dessein pour l’Amérique. Il s’agit pour lui, profitant de la désormais libre circulation de la flotte française dans l’Atlantique, de développer la Louisiane, cet immense territoire qui s’étend sur la rive droite du Mississippi et qui revient de droit à la France depuis la signature secrète du traité de San Ildefonso en 1800.
Pour cela il lui faut une base d’opérations sûre. La colonie de Saint-Domingue est tout indiquée. De cette tête de pont de la France dans le Nouveau Monde, il pourra reprendre pied en douceur à La Nouvelle-Orléans sans brusquer le jeune État américain qui verrait son expansion vers l’Ouest définitivement circonscrite au Mississippi.
Mais à Saint-Domingue, Toussaint Louverture est un obstacle à ce plan. Le général noir est gouverneur général de la colonie au nom de la France depuis 1797 et il est suspecté de connivences avec les États-Unis avec lesquels, au mépris du principe de l’Exclusif, il commerce ouvertement depuis que la prospérité est revenue. D’ailleurs, l’année précédente il a fait voter par les grands planteurs, ses alliés objectifs, une constitution autonomiste qui le proclame gouverneur général à vie et a eu l’outrecuidance de l’envoyer en France pour simple ratification, une fois le fait accompli. Cet acte de rébellion ouverte d’un chef de guerre réputé invincible et fermement accroché à son île tombe à pic pour justifier l’importance des forces commises à l’expédition qui se prépare. Et la raison d’État, froide et impérieuse, justifie également le rétablissement de l’esclavage dans les colonies du Nouveau Monde, étant argué que la grande Louisiane française devra se développer rapidement pour prendre de vitesse Anglais et Américains, ce qu’elle ne saurait faire sans la main-d’œuvre servile qui a si bien fait ses preuves à Saint-Domingue.
Voilà pourquoi deux flottes font voile vers les Antilles, Leclerc, propre beau-frère de Bonaparte, vers Saint-Domingue avec 20 000 hommes et Richepanse vers la Guadeloupe avec 3 400 hommes. Ces chefs sont munis d’instructions secrètes fort explicites rédigées de la main même de Bonaparte. Ils doivent prendre le contrôle militaire des deux colonies et désarmer les officiers indigènes avant de rétablir l’esclavage. Des proclamations sont prêtes, en français et en créole, qui visent à rassurer les populations indigènes de l’attachement personnel de Bonaparte à la liberté. Cette pléthore de précautions démontre que ce dernier avait compris que le succès ou l’échec dépendrait du secret et les faits lui donnèrent raison.
Après une résistance acharnée de trois mois, le vieux Toussaint Louverture, trahi par ses officiers généraux habilement entrepris par Leclerc, dépose les armes. Capturé et déporté en France, il y mourra quelques mois plus tard, au fort de Joux près de Pontarlier. Leclerc peut passer à la deuxième phase du plan et désarmer les officiers de couleur mais Richepance à la Guadeloupe a rétabli l’esclavage sans attendre et la nouvelle de cette trahison de la parole du Premier consul fait basculer Saint-Domingue dans l’insurrection. Le corps expéditionnaire, affaibli par une épidémie de fièvre jaune, recule partout. Leclerc obtient bien près de 20 000 hommes de renfort mais la maladie fauche un tiers des Européens qui touchent ces rivages. Le général en chef succombe lui-même le 2 novembre 1802. Dos à la mer, les débris de son armée seront bientôt contraints à la reddition par les soldats du général Dessalines qui proclamera l’indépendance de l’ancienne colonie sous son ancien nom indien d’Haïti.
Le temps de l’Amérique française est déjà passé. En ce début 1803, la paix avec l’Angleterre vacille et l’océan Atlantique est redevenu une mer hostile. Déclarant forfait, le 30 avril, Bonaparte solde la Louisiane aux États-Unis pour quatre-vingt millions de francs.
Après que Bonaparte eut étendu son influence sur la Suisse (qui retourne à une organisation décentralisée, après la tentative unitaire de la brève République helvétique (1798-1803) et sur l’Allemagne, une dispute à propos de Malte sert de prétexte aux Britanniques pour déclarer une nouvelle fois la guerre à la France en 1803, et pour soutenir l’opposition royaliste à Bonaparte. Des agents royalistes, dont Jean-Charles Pichegru, sont débarqués clandestinement en France et se mettent en rapport avec Georges Cadoudal et Jean-Victor Moreau. Le complot est rapidement éventé et ses membres arrêtés. Pichegru meurt étranglé dans sa cellule ; les autres sont jugés et condamnés. Cadoudal est exécuté, Moreau banni. Mais le complot fait aussi une victime collatérale : le duc d’Enghien, prince du sang. Le Premier consul le fait enlever en territoire étranger, juger sommairement par une commission militaire et exécuter, à la suite de déclarations recueillies auprès de Cadoudal après son arrestation. L’exécution qui se déroule à Vincennes ne suscite pas d’autres protestations que celles du Royaume-Uni, de la Russie et de l’Autriche.
Napoléon se couronne Empereur le 2 décembre 1804. À proprement parler, l’Empire naît à la demande du Sénat. L’historien Steven Englund se rallie à l’opinion selon laquelle il s’agissait, initialement, de « protéger » la République. Le Consulat abattu, l’ordre se serait effondré avec lui. L’Empire, lui, était une institution scellant la pérennité des valeurs républicaines. Napoléon Bonaparte pouvait mourir : l’hérédité du titre était censée protéger le pays des bouleversements et de la perte des acquis révolutionnaires. C’est ainsi que les monnaies impériales portèrent la mention « Napoléon Empereur – République française » jusqu’en 1808.
En outre, une observatrice avisée de la mise en place du Consulat et de l’Empire, la comtesse de Rémusat, explique comment des « hommes fatigués des troubles révolutionnaires » aient vu en Bonaparte celui qui les « sauverait des dangers d’une anarchie tumultueuse » et leur apporterait « le repos sous la domination d’un maître habile, que d’ailleurs la fortune semblait déterminée à seconder ».
Empire
Premier Empire
Symboles impériaux
Le sacre impérial, événement unique dans l’histoire de France, représenté sur le tableau de Jacques-Louis David, Le Sacre de Napoléon, est lourdement chargé en symboles. Le passage de la République à l’Empire nécessite la création d’armoiries impériales, ainsi que la création d’objets symboliques destinés à établir une tradition auparavant inexistante. Napoléon, qui se veut rassembleur, décide d’associer aux symboles de son règne les images qui ont pu représenter auparavant la France, ainsi que les pouvoirs forts européens.
L’aigle est choisie en référence aux aigles romaines, portées par les légions, mais elle est également le symbole de Charlemagne, l’aigle éployée. La couleur rouge du manteau impérial est une référence directe à la pourpre de l’imperium romain. Napoléon se pose ainsi en héritier de l’Empire romain et de Charlemagne.
Les abeilles sont censées rappeler les Mérovingiens (des broches les représentant ayant été retrouvées dans des tombeaux de cette époque), et leur disposition sur les armoiries et le manteau impérial doit rappeler les fleurs de lys des Capétiens. La main de justice, utilisée par les Capétiens lors des sacres royaux, doit faire apparaître que l’Empereur est l’héritier de leur pouvoir. Napoléon veut montrer qu’il est le fondateur de la « quatrième dynastie », celle des Bonaparte, après les Mérovingiens, les Carolingiens, et les Capétiens. D’autres symboles utilisés pendant le sacre sont chargés de valeurs morales. Ainsi Napoléon tient-il un moment le globe de Charlemagne ; il porte la couronne de ce même empereur (ces deux éléments ayant été forgés de toutes pièces avant le sacre). Son épée et son sceptre sont dits « de Charlemagne » : ils ont été en réalité utilisés depuis plusieurs siècles par les Valois puis les Bourbons lors de leurs sacres.
Le pape, présent à la cérémonie n’est ici que pour bénir son règne.
Napoléon et l’Église
Sacre de Napoléon Ier.
La signature du Concordat par le Premier consul en 1801 reconnaît le catholicisme comme la religion « de la majorité des Français », et non plus comme religion d’État. Les prêtres reçoivent désormais un traitement de la part de l’État. Afin de montrer sa puissance, Napoléon ne va pas se faire sacrer à Rome, comme autrefois Charlemagne et les empereurs germaniques (jusqu’au XVe siècle) ; c’est le pape Pie VII que l’on fera venir à Paris. Napoléon l’accueille en forêt de Fontainebleau, à cheval et en habit de chasse, voulant faire croire au caractère fortuit de la rencontre.
Le rapprochement entre Napoléon et l’Église est le fruit d’un calcul politique de la part de l’Empereur. Au-delà de la valeur morale qu’a pu avoir un sacre religieux aux yeux des catholiques, de la valeur symbolique d’un couronnement pontifical rappelant le sacre des empereurs germaniques, Napoléon se place à l’égal, voire au-dessus des rois européens comme successeur de Charlemagne et des empereurs de la Rome antique. La présence du pape au sacre donne une dimension morale et légitime supplémentaire à l’Empire. Celui-ci n’est plus simplement le fruit d’une révolution, c’est un couronnement divin comme celui des autres souverains européens mais qu’aucun d’eux ne peut égaler. Napoléon se place au même niveau que le souverain du Saint-Empire romain germanique avant de le dépasser pour devenir l’unique empereur en Europe. François II l’avait d’ailleurs bien compris puisqu’après la proclamation de l’Empire français, il décrète que l’Autriche, alors archiduché, devient aussi un empire.
La présence du pape est donc davantage un message aux pays européens qu’une profession de foi catholique de la part de Napoléon. Napoléon, d’ailleurs peu sensible au sort du pape, le retient plus tard prisonnier à Fontainebleau. Dans l’idée d’affirmer la puissance de la France dans le domaine spirituel, il envisagea même de transférer la résidence du pape de Rome à Paris, avant d’abandonner cette idée. À la fin de sa vie, Napoléon recevra l’extrême-onction des mains de l’abbé Jean-François de Kermagnan.
Napoléon et l’économie
Napoléon met en place de nombreuses réformes dans les domaines sociétal et économique. Il est à l’origine de la construction de la Bourse de Paris et de ses principales réglementations. Il institue en particulier le Code civil, appelé aussi « Code Napoléon », promulgué le 21 mars 1804 (30 ventôse an XII), qui reprend une partie des articles de la Coutume de Paris et du droit écrit du Sud de la France, en protégeant le droit des obligations et des contrats. Il pousse aussi au développement des usines de coton, installées dans les biens nationaux, alors que les guerres ont suscité un besoin de textiles pour habiller les armées. C’est l’industrie qu’il souhaite encourager le plus. Proche de Gabriel-Julien Ouvrard, un prestigieux négociant et munitionnaire, qui exploite à Nantes des licences d’importation, ses projets industriels subissent cependant les conséquences du blocus continental, décret napoléonien qui prétend interdire le continent européen à tout navire ayant touché un port anglais. Alors que le Portugal, pays neutre, permet de se procurer du coton brésilien, via des négociants français l’émigration au Brésil de la famille royale portugaise, en 1807, pour fuir l’armée française de 30 000 hommes commandée par Jean-Andoche Junot qui fait marche sur le Portugal, a déclenché des mesures de rétorsion contre la France, privée du coton brésilien.
Napoléon soutient également les industries d’art. Il recrée en 1804 le Garde-Meuble, institution chargée de l’ameublement des palais impériaux, et, par son entremise, il fait travailler menuisiers et ébénistes parisiens. Il se montre particulièrement attentif à eux lors des crises de 1807 et de 1810-1811.
L’Empire victorieux
Troisième Coalition et Quatrième Coalition.
En 1804, l’heure n’est donc pas encore aux vastes conquêtes, et, persuadé depuis longtemps que le seul moyen d’obtenir une paix définitive est de neutraliser le Royaume-Uni, Napoléon met au point, avec l’amiral Latouche-Tréville (qui mourra avant d’avoir pu l’exécuter), un plan visant à l’invasion du Royaume-Uni. Cette ambition sombre définitivement à la bataille de Trafalgar, où la flotte franco-espagnole commandée par l’amiral de Villeneuve est détruite par celle de l’amiral Nelson. Le Royaume-Uni y gagne la domination des mers pour le siècle à venir.
En 1805, la Troisième Coalition se forme en Europe contre Napoléon. L’Empereur qui, à Boulogne, supervisait les préparatifs en vue de l’invasion du Royaume-Uni, doit faire face à une guerre soudaine, et à l’autre bout de l’Europe. Il mène une offensive immédiate, acheminant la Grande Armée en Autriche à marche forcée, et s’assure une brillante victoire contre l’Autriche et la Russie le 2 décembre 1805 à la bataille d’Austerlitz, dite « bataille des Trois-Empereurs ».
En 1806, la Prusse provoque un nouveau conflit. La campagne que mène Napoléon (« l’Esprit en marche », selon Hegel) est impressionnante de rapidité : il balaie l’armée prussienne à la bataille d’Iéna (doublée de la victoire de Davout à Auerstaedt où, avec 30 000 hommes, le Maréchal Davout bat les 63 500 Prussiens qui l’assaillent). L’année suivante, Napoléon traverse la Pologne, remporte une victoire sur les Russes à Friedland et finit par signer, à Tilsit, au milieu du Niémen, au cours d’une entrevue dont la mise en scène est conçue pour frapper les esprits, un traité avec le tsar Alexandre Ier, qui divise l’Europe entre les deux puissances.
Pourtant formé dans les écoles et par les maîtres de l’Ancien Régime, officier de l’armée royale, Napoléon brise les anciennes conceptions militaires. Il ne s’agit plus pour lui de livrer une guerre de siège à l’aide de 30 000 à 50 000 hommes, mais de rechercher la bataille décisive, engageant plus de 100 000 hommes s’il le faut. Son objectif n’est pas de rester maître du champ de bataille, mais d’anéantir l’ennemi.
En 1808, Napoléon crée la noblesse d’Empire : bientôt ses maréchaux et généraux arboreront des titres de comte d’Empire, prince de Neuchâtel, duc d’Auerstaedt, duc de Montebello, duc de Dantzig, duc d’Elchingen, roi de Naples.
Du 27 septembre au 14 octobre 1808, Napoléon donne rendez-vous à Alexandre Ier à Erfurt, pour un nouveau traité, afin qu’ils s’unissent contre l’empire d’Autriche qui menace de redéclarer la guerre à la France. Le tsar refuse en préférant que ce traité soit établi dans le but de renouveler l’alliance qui s’était forgée entre eux l’année précédente à Tilsit ; cela permet en fait à Napoléon de s’assurer encore plus longtemps de la fidélité d’Alexandre. Mais c’est un échec car l’empereur s’aperçoit bientôt de la trahison de Talleyrand, qui avait approché le tsar en lui conseillant de résister à Napoléon, même s’il était séduit.
Campagnes de la péninsule Ibérique et d’Autriche
Cinquième Coalition et Guerre d’indépendance espagnole.
Guerre d’Espagne
En réponse à l’attitude britannique vis-à-vis des navires de commerce français, Napoléon tente d’imposer le blocus continental, qui vise à asphyxier l’industrie et le commerce britanniques, par le décret de Berlin du 21 novembre 1806. Le Portugal, vieil allié des Britanniques depuis le traité de Methuen (1703), est resté neutre depuis la rupture de la paix d’Amiens. Au travers de pressions diplomatiques, d’alliance resserrée avec l’Espagne voisine, et de concentration de troupes sur les Pyrénées durant l’été 1807, Napoléon menace le Portugal d’invasion s’il n’applique pas le blocus continental. Devant le silence portugais, les armées françaises envahissent le Portugal (novembre 1807), commandées par le général Junot et s’installent également en Espagne, en allié, pour assurer un appui à cette opération selon le traité de Fontainebleau. La cour et le gouvernement portugais se réfugient à Rio de Janeiro avec le soutien de la flotte britannique et le Brésil devient le siège du royaume jusqu’en 1821.
À partir de l’automne 1807, des tensions augmentent à la tête du royaume d’Espagne : le roi Charles IV menace son fils et héritier Ferdinand, qui est opposé à la mainmise du chef du gouvernement, Manuel Godoy, sur le couple royal et sur la politique de l’Espagne. Napoléon considère alors l’Espagne, alliée décevante dans la guerre contre la Grande-Bretagne, comme mûre pour un changement dynastique. Cette perspective panique la monarchie espagnole et Godoy. En mars 1808, le soulèvement d’Aranjuez place Ferdinand sur le trône, à la suite de l’abdication forcée de son père. Napoléon se positionne alors en arbitre de la famille des Bourbons d’Espagne, et profite de leur querelle pour leur imposer à Bayonne leur abdication complète. Napoléon place sur le trône espagnol son frère Joseph, remplacé à Naples par Joachim Murat, époux de Caroline Bonaparte. La population espagnole se soulève : la guerre d’Espagne commence et va durer six ans. L’armée britannique commandée par le futur duc de Wellington débarque au Portugal et les Français connaissent des revers sérieux (capitulation de Baylen en Espagne, bataille de Vimeiro au Portugal) durant l’été 1808. Avec l’aide des patriotes espagnols, les Anglo-Portugais poussent peu à peu l’armée française hors de la péninsule Ibérique.
Napoléon a reconnu par la suite qu’il avait commis une grave erreur en lançant la campagne d’Espagne : « Cette malheureuse guerre m’a perdu ; toutes les circonstances de mes désastres se rattachent à ce nœud fatal. Elle a compliqué mes embarras, divisé mes forces, détruit ma moralité en Europe ». De même, concernant Joseph, incapable d’être chef d’État et de maintenir l’ordre : « C’était l’homme le plus incapable et précisément l’opposé de ce qu’il fallait ».
Guerre contre l’Autriche
Alors que les meilleures troupes de l’armée française sont engagées en Espagne, l’empire d’Autriche attaque une nouvelle fois la France en Allemagne et en Italie. Le maréchal Lannes, compagnon et ami de Napoléon, périt à la bataille d’Essling qui apparaît comme le premier grand revers de Napoléon, puisque ses troupes doivent abandonner le champ de bataille pour se réfugier sur l’île de Lobau, sur le Danube, pour se reposer et se renforcer. L’armée autrichienne est finalement vaincue lors de la bataille de Wagram en juillet 1809.
Cette année 1809 a augmenté le sentiment de vulnérabilité du régime impérial : Napoléon a d’abord été blessé — légèrement au pied — à la bataille de Ratisbonne, en avril 1809, rappelant sa vulnérabilité comme commandant en chef lors d’une bataille, puis a échappé à une tentative d’assassinat par Frédéric Staps lors d’une revue des troupes à Schönbrunn, le 12 octobre 1809, à l’époque de la conclusion de la paix avec l’empire d’Autriche. La vulnérabilité du souverain français renforce le principe d’assurer un héritier direct à l’Empire. Le divorce de Joséphine est alors inéluctable, d’autant que Napoléon sait que la stérilité du couple n’est pas de son fait, depuis la naissance du petit Léon, fruit d’une liaison en 1806, et de la grossesse toute récente de Marie Walewska, autre liaison initiée lors de la campagne de Pologne en 1807, venue à Vienne lors des négociations de paix (l’enfant, Alexandre Walewski, naît en mai 1810).
Napoléon, souverain du « Grand Empire »
Quelques mois après la paix de Schönbrunn, le 2 avril 1810, Napoléon épouse l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche, fille aînée de son dernier ennemi. Le 20 mars 1811, elle lui donne un fils, au terme d’un accouchement long et douloureux, et cet enfant est baptisé « Napoléon François Charles Joseph » et on lui donne le titre de roi de Rome.
Au début de l’année 1812, le « Grand Empire » compte 134 départements, de Hambourg à Rome et Barcelone, ainsi que les Provinces illyriennes et une population de 70 millions d’habitants (dont 30 seulement sont de la France de 1793), et compte plusieurs états vassaux (le royaume d’Italie, le royaume de Naples, le royaume d’Espagne, la Confédération du Rhin avec le duché de Varsovie, la Confédération suisse, la principauté de Lucques et Piombino, la principauté d’Erfurt, la ville libre de Dantzig et enfin Corfou, île de république des Sept-Îles encore sous contrôle français). L’Empire est alors à l’apogée de son extension territoriale, bien que ses colonies outre-mer soient tombées sous le contrôle des Britanniques.
Campagnes de Russie et d’Allemagne
Sixième Coalition
Alexandre Ier, poussé par la noblesse russe acquise aux Britanniques, refuse de coopérer avec Napoléon pour porter le coup final au Royaume-Uni. Napoléon, croyant la guerre inévitable, envahit la Russie en 1812. La Grande Armée, grossie de contingents italiens, allemands et autrichiens, devient gigantesque : ce sont 600 000 hommes qui franchissent le Niémen. Les Russes, dirigés par Koutouzov, appliquent la stratégie de la « terre brûlée », reculant sans cesse devant les troupes françaises. La bataille de la Moskova, le 12 septembre, est indécise. Bien que les Russes abandonnent le terrain, les pertes sont presque équivalentes dans les deux camps.
Dès le lendemain de l’entrée des troupes françaises dans Moscou, les Russes incendient la ville. Napoléon, espérant une démarche de la part d’Alexandre, s’attarde à Moscou. Lorsqu’il donne le signal de la retraite, l’hiver est dangereusement proche. La Grande Armée entame une course désespérée vers l’Allemagne à travers les régions dévastées qu’elle a parcouru à l’aller. Le froid, la neige et les Cosaques provoquent d’effroyables pertes. Des 600 000 hommes qui entrèrent en campagne, seuls quelques dizaines de milliers franchissent la Bérézina. La Grande Armée est détruite.
Campagne de Russie (1812)
Encouragés par ce dramatique échec, les rois reprennent les armes contre la France. Malgré deux victoires remportées en Allemagne (Bautzen et Lutzen), une partie de ses alliés allemands trahit Napoléon sur le champ de bataille même de la bataille de Leipzig, aussi appelée « bataille des Nations », qui voit s’opposer 180 000 Français à 300 000 alliés (russes, autrichiens, prussiens, suédois). La défaite subie ce jour-là est décisive. Le maréchal Poniatowski, prince polonais et neveu de Stanislas II, dernier roi de Pologne, y perd la vie en tentant de traverser l’Elster avec ses hommes. On dénombre 100 000 morts et blessés.
Campagne d’Allemagne (1813)
Campagne de France et première abdication
Campagne de France (1814) et Première abdication de Napoléon Ier (1814).
En 1814 se forme une alliance entre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, l’Empire russe, le royaume de Prusse et l’empire d’Autriche. Malgré une série de victoires (batailles de Champaubert, Montmirail, etc.) remportées par Napoléon à la tête d’une armée de jeunes recrues inexpérimentées (les « Marie-Louise »), Paris tombe le 31 mars et les maréchaux forcent l’Empereur à abdiquer. L’intention de Napoléon était de le faire en faveur de son fils (Napoléon II), mais les puissances alliées exigent une abdication inconditionnelle, qu’il signe le 6 avril 1814.
Napoléon, qui pense que les alliés vont le séparer de l’impératrice Marie-Louise d’Autriche et de son fils le roi de Rome, prend, dans la nuit du 12 au 13 avril, une dose du « poison de Condorcet » qui doit lui permettre de se suicider. On a longtemps cru qu’il s’agissait d’opium dans un peu d’eau, le docteur Hillemand pensant qu’il s’agit d’une absorption accidentelle trop grande d’opium destinée à calmer les douleurs abdominales mais il semblerait que ce ne soit pas le cas. Les troubles et la nature du malaise de Napoléon ne correspondent pas à une intoxication par l’opium. S’il choisit cette façon de mourir, c’est qu’il pense que son corps sera par la suite exposé aux Français : il veut que sa garde reconnaisse le visage calme qu’elle lui a toujours connu au milieu des batailles. Toujours est-il qu’il fait appeler Armand de Caulaincourt pour lui dicter ses dernières volontés.
En plein malaise, l’Empereur se plaint du lent effet de la substance qu’il a avalée. Il déclare à Caulaincourt : « Qu’on a de peine à mourir, qu’on est malheureux d’avoir une constitution qui repousse la fin d’une vie qu’il me tarde tant de voir finir ! » Les nausées de Napoléon sont de plus en plus violentes, il se met à vomir. À la venue du docteur Alexandre-Urbain Yvan, Napoléon lui demande une dose de poison supplémentaire mais le docteur refuse, en disant qu’il n’est pas un assassin et qu’il ne fera jamais une chose allant à l’encontre de sa conscience. Le docteur a lui-même une crise de nerfs, s’enfuit à cheval, et personne ne le revoit plus. L’agonie de l’Empereur se poursuit, Caulaincourt sort de la pièce pour demander au valet de chambre et au service intérieur de garder le silence. Napoléon rappelle Caulaincourt en lui disant qu’il préfère mourir plutôt que de signer le traité. Les effets du poison se dissipent et l’Empereur peut reprendre ses activités normales.
Il est, par la suite, déchu par le Sénat le 3 avril et exilé à l’île d’Elbe, selon le traité de Fontainebleau signé le 11 avril, conservant le titre d’Empereur mais ne régnant que sur cette petite île. Son convoi de Fontainebleau jusqu’à la Méditerranée avant son embarquement pour l’île d’Elbe passe par des villages provençaux royalistes qui le conspuent, il risque d’être lynché à Orgon, ce qui l’oblige à se déguiser.
Les Cent-Jours
En France, Louis XVIII écarte « Napoléon II » et prend le pouvoir. Napoléon s’inquiète du sort de sa femme et surtout de son fils qui est aux mains des Autrichiens. Le gouvernement royaliste refuse bientôt de lui verser la pension promise et des rumeurs circulent quant à sa déportation vers une petite île de l’océan Atlantique sud. Napoléon décide donc de retourner sur le continent pour reprendre le pouvoir.
La route Napoléon et le « Vol de l’Aigle »
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1er mars 1815 : débarqués à Golfe-Juan, Napoléon et sa petite troupe gagnent Cannes où ils arrivent tard et d’où ils repartent tôt.
- 2 mars : voulant éviter la voie du Rhône qu’il sait hostile, Napoléon fait prendre alors la route de Grasse pour gagner, par les Alpes, la vallée de la Durance. Au-delà de Grasse, la colonne s’engage dans de mauvais chemins muletiers et s’arrête à Saint-Vallier, Escragnolles, et Séranon.
- 3 mars : après une nuit de repos, la troupe gagne Castellane ; dans l’après-midi, elle atteint Barrême.
- 4 mars : Napoléon trouve à Digne la route carrossable et fait étape le soir au château de Malijai, attendant avec impatience des nouvelles de Sisteron dont la citadelle, commandant le passage étroit de la Durance, peut lui barrer la route.
- 5 mars : Sisteron n’est pas gardée et Napoléon y déjeune, puis quitte la localité dans une atmosphère de sympathie naissante. Le soir, il arrive à Gap et y reçoit un accueil enthousiaste.
- 6 mars : il couche à Corps.
- 7 mars : il gagne La Mure, puis trouve en face de lui, à Laffrey, des troupes envoyées de Grenoble. C’est ici que se situe l’épisode fameux que commémore aujourd’hui un monument dans la « prairie de la Rencontre ». Le soir même, Napoléon fait son entrée à Grenoble aux cris de « Vive l’Empereur ».
Les armées envoyées pour l’arrêter l’accueillent en héros partout sur la route qui porte aujourd’hui son nom. Le maréchal Ney, qui avait juré à Louis XVIII de lui ramener Bonaparte dans une cage de fer, s’incline devant son ancien souverain, ce qui lui vaudra d’être le seul maréchal exécuté pour trahison lors de la Seconde Restauration. Napoléon arrive sans coup férir à Paris. Cette montée à Paris est connue comme le « Vol de l’Aigle », inspiré des paroles de Napoléon : « L’Aigle volera de clocher en clocher jusqu’aux tours de Notre-Dame ». En 1932, la route Napoléon sera inaugurée entre Golfe-Juan et Grenoble. Des aigles volants jalonnent ce parcours.
Retour au pouvoir et défaite finale
Seconde abdication de Napoléon.
La fuite de Louis XVIII et le retour de Napoléon aux Tuileries le 20 mars 1815 marquent le début de la période dite des Cent-Jours. Napoléon fait établir l’Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire (rédigé le 22 avril 1815, approuvé le 1er juin). Une Chambre des représentants est élue.
La bataille de Waterloo
Sur le plan international, Napoléon affirme ses volontés pacifiques, mais les alliés n’acceptent pas ce retour et reprennent les armes contre la France. Les grandes puissances européennes telles que l’Angleterre, la Prusse et l’Autriche, dont les représentants s’étaient réunis à Vienne, décident de relancer la guerre contre l’Empereur qu’elles considèrent comme « Hors la loi des Nations ». Les Alliés envoient massivement des troupes en Belgique.
Le 18 juin 1815 a lieu la bataille de Waterloo, au sud de Bruxelles, où Napoléon se prépare à affronter la coalition. Napoléon doit battre les armées prussiennes de Blücher et les armées anglaises de Wellington. Napoléon donne à Grouchy la mission de s’occuper des Prussiens, et à Ney de s’occuper des Anglais. Les deux commandants auront du mal à s’entendre dans leur stratégie, et enchaîneront les erreurs. La jonction des armées prussiennes et britanniques, que ne peut empêcher le maréchal Grouchy, a raison des troupes impériales. Ney, lent, et mauvais dans ses choix, va faire perdre la cavalerie. Napoléon sent que l’issue de la bataille est la défaite. Après dix heures de bataille, les Français reculent. L’armée française organise sa retraite par la route de Charleroi. Cette défaite oblige Napoléon Ier à abdiquer pour la seconde fois, le 22 juin 1815.
Il rentre à l’Élysée le 21 juin. Le 22, il abdique, déclarant par écrit : « Je m’offre en sacrifice à la haine des ennemis de la France », et « je proclame mon fils, sous le nom de Napoléon II, empereur des Français ». Devant le rapprochement de Paris des armées de la Septième Coalition, il quitte le palais le 25 pour le château de Malmaison puis le 29 prend la route incognito en calèche isolée (habillé en bourgeois) pour Rochefort, puis Fouras, où l’attendent deux frégates La Saale et La Méduse, souhaitant rejoindre les États-Unis. Le 8 juillet, il embarque pour l’île d’Aix et monte à bord de La Saale. François Ponée, commandant de La Méduse, offrit à l’empereur de combattre le HMS Bellerophon, pendant que La Saale commandée par Pierre Philibert passerait. Mais Philibert refusa de jouer ce rôle qui lui était réservé. Joseph Fouché, président du gouvernement provisoire, alerte les Britanniques sur les risques de fuite de Napoléon. Plusieurs corvettes anglaises escortant le vaisseau le Bellerophon sont dépêchées dans le pertuis d’Antioche, contraignant Napoléon à négocier.
Demandant l’asile au « plus constant de ses ennemis », l’Angleterre, il est d’abord pris en charge par le Bellerophon, puis transféré le 7 août 1815 sur le Northumberland qui le déposera à Sainte-Hélène. On ne lui donne pas l’occasion de poser le pied en Angleterre, les ministres britanniques voulant absolument éviter que Napoléon puisse demander le droit d’asile en invoquant l’Habeas corpus.
Le retour de Napoléon et sa défaite finale rendent encore plus précaire la situation internationale de la France. Celle-ci est traitée plus durement par les alliés en 1815 que lors des traités de Vienne. Napoléon laisse en effet une France exsangue. Démographiquement, elle a perdu environ 1 700 000 hommes depuis 1792, dont la majorité pendant les guerres napoléoniennes. Elle est économiquement ruinée. Ses ports et ses arsenaux le sont également. Le pays a perdu toutes les colonies qui lui restaient de l’Ancien Régime. Son influence internationale, mise en place depuis Richelieu et Louis XIV, est réduite à néant. Le territoire national est ramené à une étendue moindre que sous Louis XVI. La Sarre et les villes de Marienbourg, Philippeville et Landau, acquises sous Louis XIV, sont cédées aux coalisés. De plus ce territoire est occupé, et le pays doit payer une lourde indemnité de guerre pour l’entretien des troupes étrangères établies sur son sol.
Exil à Sainte-Hélène et mort
Exil de Napoléon Ier à Sainte-Hélène, Mort de Napoléon et Vallée du Tombeau.
Napoléon est déporté et emprisonné par les Britanniques sur l’île Sainte-Hélène, commandée d’abord par l’amiral Cockburn puis par Sir Hudson Lowe. L’Empereur est accompagné d’une petite troupe de fidèles, parmi lesquels le grand maréchal du palais Bertrand, le comte de Las Cases, le général Montholon, et le général Gourgaud. Il se consacre à l’écriture de ses mémoires qu’il dicte à Las Cases. Il essaye aussi d’apprendre l’anglais ; il reçoit plusieurs visiteurs de passage à Sainte-Hélène, qui est alors une escale importante pour tout navire contournant l’Afrique. Une fois installé à Longwood, il évite de sortir car Lowe a donné l’ordre que l’empereur doit être partout sous garde.
Sur ce rocher, Napoléon se fera ami avec une jeune Anglaise d’une quinzaine d’années, Betsy Balcombe. Elle fait partie des derniers amis de l’Empereur, avant son retour en Angleterre en 1818. Elle emportera, avec elle, une mèche de ses cheveux.
Napoléon tombe progressivement malade et s’affaiblit. Dès janvier 1819, son état est critique, mais plus ou moins bien diagnostiqué et soigné par les médecins présents sur l’île. Dans la seconde moitié du mois d’avril 1821, il écrit lui-même ses dernières volontés et plusieurs codicilles, une quarantaine de pages au total.
Napoléon meurt un samedi, le 5 mai 1821, « à 17 heures et 49 minutes », rendant ainsi « le plus puissant souffle de vie qui eut jamais agité l’argile humaine » (Chateaubriand). Ses derniers mots sont : « France, armée, Joséphine », ou, selon les mémoires de Sainte-Hélène : « tête… armée… Mon Dieu ! » Nerval, dans son poème À la mort de l’Exilé, note : « Les dernières paroles de Napoléon mourant furent : « Mon Dieu et la nation française… française… mon fils… tête armée ». On ne sait ce que signifiaient ces mots. », et une version courante affirme qu’il aurait dit en fait : « tête d’armée », ce qui est bien moins énigmatique.
Hudson Lowe, gouverneur anglais de l’île Sainte-Hélène et geôlier de Napoléon, déclara devant son lit de mort :
« Messieurs, c’était le plus grand ennemi de l’Angleterre, c’était aussi le mien. Mais je lui pardonne tout. À la mort d’un si grand homme, on ne doit éprouver que tristesse et profond regret. »
Les causes de sa mort ont immédiatement fait l’objet d’une controverse : les médecins anglais ont officiellement conclu à une mort des suites d’un cancer de l’estomac, mais François Antommarchi, médecin corse arrivé sur place en 1819, refusa de souscrire à ces conclusions après son autopsie détaillée — laquelle avait été commandée à l’avance par L’Empereur — qui montra, entre autres, une rate, un foie et une vésicule biliaire très dégradés, un estomac plein d’ulcères et un ulcère perforé miraculeusement obturé par le foie. La mort de Napoléon résulterait donc de la combinaison d’une hépatite chronique ancienne, d’un ulcère de l’estomac lié au stress évoluant jusqu’à la perforation, d’une dégénérescence de cet ulcère en carcinome et, cause immédiate, l’aggravation du tout par une médication aberrante (antimoine et mercure) , le coup de grâce ayant été porté par le médecin anglais Arnott qui inflige au malade une dose extravagante de 10 grains de calomel alors que la dose normale est de un ou deux grains, ce qui provoque une sévère hémorragie stomacale qui sera fatale. Une vive discussion oppose alors les différents médecins et les officiels, dont résulte une sorte de compromis politique présentant « le squirre cancéreux au pylore » comme la cause de la mort, ce qui permet d’imputer la mort de Napoléon à une prédisposition familiale, donc à une mort des plus naturelles, puisque son père et sa sœur Élisa sont morts de cette même maladie.
En raison des divergences d’opinions qui se manifestent dans les récits ultérieurs des uns et des autres, la cause de la mort de Napoléon a fait l’objet de diverses théories. Une hypothèse fréquemment avancée est celle d’un empoisonnement délibéré de Napoléon au trioxyde d’arsenic. Cette théorie, avancée pour la première fois par le stomatologue suédois Sten Forshufvud est rejetée par un grand nombre d’historiens. L’historien médiéviste Michel Pastoureau avance par exemple que de l’arsenic était présent dans les papiers peints et tentures teintes en vert qu’affectionnait l’Empereur et utilisées à Longwood. Toutefois, à la suite de nouvelles analyses, le Dr Pascal Kintz, président de l’Association Internationale des Toxicologues de Médecine Légale, écrit dans son article Trois séries d’analyse des cheveux de Napoléon confirment une exposition chronique à l’arsenic(24/01/2008) que « Compte tenu de ces données scientifiques, nous pouvons conclure que Napoléon a bien été la victime d’une intoxication chronique à l’arsenic minéral, donc à la mort-aux-rats ». Ces conclusions sont également partagées par l’International Museum of Surgical Sciences et l’International College of Surgeons de Chicago.
Sa mort, en 1821, ne met pas fin à sa légende. En effet, des historiens ont montré l’existence d’une rumeur, persistante jusqu’au début de la Troisième République, selon laquelle l’Empereur ne serait pas mort. Signe de l’attachement du monde rural au mythe d’un Napoléon Sauveur, d’incessantes rumeurs parcourent en effet les campagnes françaises depuis la fin de la Restauration jusqu’à 1870, accréditant le bruit que l’Empereur, toujours en vie, serait sur le point de revenir au pouvoir pour préserver les acquis égalitaires de la Révolution française.
Retour de ses cendres en France (1840)
Napoléon demanda à être enterré sur les bords de la Seine, mais lorsqu’il mourut en 1821 il fut inhumé à Sainte-Hélène.
Dix-neuf ans après la mort de Napoléon, le roi Louis-Philippe Ier put obtenir du Royaume-Uni la restitution des cendres de Napoléon. L’exhumation du corps eut lieu le 15 octobre 1840 et Napoléon quitta définitivement l’île de Sainte-Hélène le dimanche 18 octobre 1840. Son corps fut rapatrié triomphalement à Paris, au milieu d’une foule innombrable, et enterré aux Invalides, dans « un grand sarcophage […] de porphyre rouge — en fait du quartzite aventuriné de Finlande, proche du porphyre — posé sur un socle de granit vert des Vosges ». Le socle en marbre noir provient de la carrière de marbre de Sainte-Luce. Le transport de ce bloc de 5,5 mètres de long, 1,20 mètre de large et 0,65 mètre d’épaisseur, ne se fit pas sans peine.
Après 1854, l’empereur Napoléon III négocia avec le gouvernement britannique l’achat de Longwood House et de la vallée du Tombeau (Sainte-Hélène), qui devinrent propriétés françaises en 1858 et sont gérées depuis par le ministère des Affaires étrangères.
État de santé de Napoléon
Si la mort de Napoléon a mis en avant les problèmes de santé dont il souffrait durant son exil à Sainte-Hélène, toute sa vie cependant fut marquée par des désordres pathologiques plus ou moins graves.
Lors de son autopsie on mesura sa taille qui était de 5 pieds, 2 pouces, 4 lignes, ce qui correspond à 1,69 m. De constitution robuste et endurante, il pouvait monter plusieurs heures à cheval sans éprouver de fatigue. Le général Bonaparte apparaît dans sa jeunesse maigre et élancé, les années venant il s’empâte devenant presque obèse à l’époque de son exil.
En 1785, il souffre de fièvre alors qu’il se trouve à Auxonne comme lieutenant. À partir de 1786, il est atteint de paludisme et souffre de fièvre par crises intermittentes jusqu’en 1796. En 1793, il contracte la gale lors du siège de Toulon dont il garde des séquelles durant toute sa vie, l’obligeant à prendre des bains pour calmer des démangeaisons. Talleyrand et la comédienne Mademoiselle George ont été témoins de crises qui furent assimilées à l’épilepsie.
Il souffre principalement de problèmes abdominaux dont une douleur chronique au côté droit, et hépatiques, ainsi que de dysurie dont l’aggravation est constatée lors de la campagne de Russie. Napoléon ne portait pas la main dans son gilet pour soulager une douleur à l’estomac. Ce geste rencontré dans les portraits officiels, était une posture inspirée de l’attitude oratoire du philosophe Eschine, et que l’on retrouve dans d’autres portraits du XVIIIe siècle. C’était ainsi une posture régulièrement adoptée par les officiers dans leurs portraits officiels pour ne pas avoir les bras ballants, comme le recommande Les Règles de la bienséance et de la civilité chrétienne, livre écrit en 1702 par Jean-Baptiste de La Salle.
Cause de sa mort
La cause officielle du décès de Napoléon était un cancer de l’estomac. L’Empereur montrait un certain embonpoint au moment de sa mort (75,5 kg pour 1,69 m).
En 1955, le journal de Louis Marchand, le valet de Napoléon, fut publié. Il décrit les derniers mois de Napoléon jusqu’à sa mort et Sten Forshufvud conclut à sa lecture que l’Empereur fut victime d’un empoisonnement à long terme à l’arsenic, qui l’aurait suffisamment affaibli pour que les traitements médicaux de l’époque puissent l’achever.
Pascal Kintz, de l’institut légal de Strasbourg, fit en 2001 une étude du niveau d’arsenic trouvé dans les cheveux de Napoléon après sa mort, de 7 à 38 fois le niveau normal, mais il ne conclut pas que cela soit le résultat d’un empoisonnement ; les analyses effectuées par Ivan Ricordel à l’instigation du magazine Science & vie montrent que des concentrations similaires d’arsenic peuvent être trouvées dans des échantillons prélevés en 1805, 1814 et 1821.
Des études françaises ont montré que Napoléon plongeait quotidiennement ses cheveux dans des bains d’arsenic car la croyance populaire voulait que l’arsenic prolonge la vie et l’éclat de la chevelure, ce qui expliquerait le taux anormalement élevé d’arsenic retrouvé dans ses cheveux.
Une analyse des mèches de cheveux de sources variées permet de reconstituer un histogramme détaillé du contenu d’arsenic dans le corps de Napoléon. La concentration est le plus souvent basse puis de temps en temps une concentration très forte apparaît, indiquant qu’une dose forte d’arsenic aurait été absorbée. Toutefois les cheveux étudiés ayant été prélevés sans le bulbe, il est impossible d’affirmer avec certitude que ce soient les vrais cheveux de Napoléon.
En revanche, la thèse d’empoisonnement est rendue difficilement soutenable à la suite d’une étude clinico-pathologique le 12 janvier 2007 menée par des chercheurs suisses, américains et canadiens de l’université de Bâle et publiée dans la revue Nature Clinical Practice Gastroenterology and Hepatology, selon laquelle l’Empereur aurait été emporté par un cancer gastrique avancé avec envahissement des ganglions lymphatiques. Leurs travaux, se fondant sur les rapports des médecins présents à Sainte-Hélène, indiquent que son cancer serait survenu sur fond d’inflammation chronique de l’estomac causé par un micro-organisme, et non pas sur fond de prédisposition familiale. Toujours selon les descriptions contemporaines, la paroi de l’estomac présentait une lésion d’environ dix centimètres. Ce nombre paraît cependant fort exagéré car le rapport d’autopsie d’Antommarchi (la version officielle, et non celle truquée de son ouvrage) parle d’un ulcère ayant formé un trou de diamètre d’environ 3 lignes, soit 7 centimètres environ. Les rapports anglais, eux, parlent d’un trou suffisant pour y passer le petit doigt (il s’agissait du doigt du docteur Rutledge).
Réalisations de Napoléon Bonaparte
Sous le Consulat
Le Consulat est essentiellement une période de pacification et de stabilisation de la France, après la décennie révolutionnaire. De nombreuses institutions sont fondées, qui vont ensuite survivre longtemps à leur créateur ; elles reprennent certains acquis de la Révolution et existent encore au début du XXIe siècle en France.
Ainsi dès le 13 décembre 1799 (22 frimaire an VIII), la Constitution de l’an VIII rédigée par Daunou sur la base des principes énoncés par Sieyès et Bonaparte, crée en son article 52 le Conseil d’État. Cet organe est au départ chargé de rédiger les lois pour décharger les ministères et doit conseiller le gouvernement sur la législation à entreprendre. Dans cette Constitution, Napoléon Bonaparte crée également le Sénat, s’inspirant du Sénat romain, il est chargé de veiller au respect de la Constitution et ses membres sont nommés par le Premier consul, puis par l’Empereur. En 1800, le Premier consul Bonaparte crée deux institutions importantes, existant toujours : d’une part, le 13 février (24 pluviôse an VIII), il instaure la Banque de France ; d’autre part, le 17 février (loi du 28 pluviôse an VIII), Bonaparte crée les préfectures avec à leur tête un corps préfectoral nommé par le Premier consul puis par l’Empereur et représentant de l’État. Toutes ces institutions permettent de réorganiser l’administration en France, qui ne fonctionnait plus depuis le début de la Révolution en 1789. Cette réorganisation permet de ramener l’ordre et de relancer l’économie. Mais l’ordre intérieur sera totalement ramené le 15 juillet 1801, quand Napoléon Bonaparte signe avec le pape Pie VII le Concordat réconciliant la France avec l’Église, tout en maintenant la liberté de cultes établie par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Bonaparte souhaite réorganiser la société française dans de nombreux domaines :
- Éducation : il lance une grande réforme qui aboutit le 1er mai 1802 (11 floréal an X) à la création des lycées et de l’École militaire Saint-Cyr.
- Économie : le 24 décembre 1802, il instaure les vingt-deux chambres de commerce et institue une nouvelle monnaie, le franc germinal le 7 avril 1803 (17 germinal an XI).
- Justice et droit : Bonaparte métamorphose le système judiciaire français, il instaure les cours d’appel et le Tribunal de cassation devient la Cour de cassation. Il réorganise les études de droit avec la création des écoles de droit et un diplôme accessible à tous, la capacité en droit le 13 mars 1804 (22 ventôse an XIII). Enfin, le 21 mars 1804 (30 ventôse an XII), Napoléon Bonaparte promulgue le Code civil français qui définit de nouveaux droits et obligations pour les Français. Par la loi du 19 mai 1802, Napoléon Bonaparte instaure également la Légion d’honneur, décernée aux personnes militaires et civiles que l’État souhaite récompenser par cette distinction, au titre de services rendus.
Sous l’Empire
- En 1806, l’empereur Napoléon Ier commande l’arc de triomphe de l’Étoile.
- Le 18 mars (21 germinal an IX), le premier conseil de prud’hommes est créé à Lyon.
- Le 10 mai, l’Université est recréée, après son abolition par la Révolution, sous une forme qui conduit aux actuelles universités.
- En 1807, Napoléon confie à Alexandre-Théodore Brongniart la construction de la future Bourse de Paris.
- Le 9 février, il ressuscite la fonction de Grand Sanhédrin (ce qui facilite l’assimilation des juifs dans l’Empire). Napoléon a poursuivi l’œuvre de tolérance à l’égard des juifs amorcée par la Révolution.
- Le 16 septembre, Napoléon crée la Cour des comptes.
- 1808 :
- le 17 mars, Napoléon crée par décret le baccalauréat.
- 1810 :
- le 12 février, le Code pénal est promulgué.
Œuvre législative
Bonaparte opère dès les débuts du Consulat de nombreuses réformes dans l’éducation, la justice, la finance et le système administratif. Son ensemble de lois civiles, rédigé par Portalis, Maleville, Bigot de Préameneu et Tronchet et connu sous le nom de Code Napoléon de 1804, a encore une forte influence dans de nombreux pays de nos jours. Il est assez largement influencé par les projets de Code civil qu’avait présentés Cambacérès pendant la Révolution, alors qu’il n’était pas encore second consul. Bonaparte a présidé beaucoup des séances d’élaboration du Code civil. Il le considérait avec fierté comme son œuvre majeure : « Ma gloire n’est pas d’avoir gagné quarante batailles […] Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code civil, ce sont les procès-verbaux du Conseil d’État. ».
Le Code civil français est toutefois très largement inspiré d’un éventail de lois et coutumes diverses déjà existantes sous l’Ancien Régime qu’il unifia. Son œuvre administrative se prolongea jusqu’en 1814. Entre autres réformes, il commencera le travail de cadastrer le territoire français.
Napoléon et les femmes
Bien que marié deux fois, Napoléon cultive tout au long de sa vie plusieurs maîtresses (cinquante-et-une d’après certains historiens) qui lui donnent des enfants illégitimes. Cette descendance a une importance à ses yeux, le confortant dans son idée qu’il n’est pas stérile. Deux maîtresses vont jouer un grand rôle dans sa vie.
La première grande maîtresse de Napoléon est Éléonore Denuelle, dame du palais et lectrice de sa majesté impériale Joséphine : elle lui donne son premier enfant le 13 décembre 1806, qui est prénommé Léon.
La seconde, il la rencontre pendant la campagne de Pologne. Le 1er janvier 1807, l’Empereur entre à Varsovie, une jeune femme se fraie un chemin jusqu’à lui, il s’agit de Marie Laczynska, comtesse Waleswka, âgée de vingt-six ans, épouse d’un vieil homme, Anastase Walewski. Lors d’un bal donné en l’honneur de l’Empereur, les Polonais souhaitent que Marie Walewska se retrouve dans son lit : ils forment ainsi le vœu que le sort de la Pologne, partagée entre la Russie, la Prusse et l’Autriche, puisse changer avec l’aide de Napoléon. D’abord très réticente, elle finit par être amoureuse de l’Empereur et lui donne un fils, Alexandre, né le 4 mai 1810.
Quant à ses épouses, il en a deux : l’une dont il est très amoureux, Joséphine de Beauharnais, et une autre, Marie-Louise d’Autriche, qui n’est qu’une épouse politique, chargée de lui donner un héritier pour le trône impérial. Aux dires de Joséphine,
Napoléon n’a aimé que deux femmes : elle-même et la comtesse Walewska.
Mariages et enfants
Napoléon s’est marié deux fois :
- une première fois le 9 mars 1796 avec Joséphine de Beauharnais, qui est ensuite couronnée impératrice ; ce mariage restant sans enfants, il se conclut par un divorce, prononcé par un sénatus-consulte le 16 décembre 1809 ;
- une seconde fois, le 2 avril 1810 avec l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche, qui lui donne un fils onze mois plus tard : Napoléon François Joseph Charles Bonaparte (20 mars 1811-22 juillet 1832), roi de Rome, duc de Reichstadt, connu également sous le nom de Napoléon II, bien qu’il n’ait jamais régné qu’en théorie et ce pendant quinze jours, entre la deuxième abdication de Napoléon et la Seconde Restauration.
Napoléon s’était fiancé le 21 avril 1795 à Désirée Clary (1777-1860), sœur de Julie Clary elle-même mariée en 1794 avec Joseph Bonaparte. Mais Napoléon rencontre Joséphine de Beauharnais à Paris, le 15 octobre 1795, par le biais de son ami Paul Barras, et le fait renoncer au projet de mariage avec Désirée, non sans mauvaise conscience comme en témoigne sa correspondance avec Désirée.
Napoléon a également eu au moins deux enfants naturels, qui tous les deux ont eu des descendants :
- Charles, comte Léon (1806-1881), fils de Éléonore Denuelle de La Plaigne (1787-1868).
- Alexandre, comte Walewski (1810-1868), fils de la comtesse Walewska (1789-1817).
(sources WikiLand et Wikipédia)